7 ans après La chevauchée fantastique, John Ford revient au western, genre qu’il a contribué à renouveler et dont il deviendra le réalisateur le plus important. On retrouve dans de film, non pas John Wayne (ça viendra) mais Henry Fonda, avec qui il a fait de nombreux films entre-temps.
Dans La poursuite infernale,il reprend l’histoire du plus célèbre règlement de comptes de l’Ouest : celui d’OK Corral, en l’adaptant à sa sauce. S’il y a quelques incohérences au niveau des personnages, finalement peu importants, le grand changement est en rapport avec le shérif Wyatt Earp. Celui qu’on considère maintenant comme un gredin ayant massacré les assassins de son grand frère de manière peu
honorable est représenté comme un héros de l’ordre et de la justice.
Mais le film est surtout le passage de l’état sauvage à l’état civilisé. D’un côté, les plaines arides de Monument Valley, et le ranch des Clanton, de l’autre la ville qui commence à calmer ses pulsions cow-boy. L’évolution de la ville se retrouve surtout dans les scènes de la pause de la cloche suivie de celle du bal.
Les personnages représentent bien cette dualité. Les Clanton représentent la vieille époque des cow-boys qui ne pensent qu’à se battre et à régler leurs différends au pistolet, alors qu’Henry Fonda, le shérif, se promène sans armes. Entre les deux il y a ‘Doc’ Holliday, tiraillé entre la civilisation et l’état sauvage. Ainsi il récite aussi bien Shakespeare qu’il est prompte au pistolet. Ce choix est symbolisé par les deux femmes qu’il connait ou a connues : Chihuahua est la femme qu’il a trouvée à l’ouest, qui veut s’enfuir au Mexique avec lui, vivre une vie d’aventures, tandis que Clementine lui rappelle sa vie dans des villes civilisées, vie qu’il a décidé de fuir. La mort de Chihuahua, tué par les Clanton (l’état sauvage se détruit lui-même) ainsi que la proximité d’Earp va le faire changer. Essayant de reprendre ses fonctions de médecin (en réalité il était dentiste) pour sauver Chihuahua, il échoue et veut s’enfuir. Mais il s’en détourne et aidera à tuer les Clanton et mourra pour civiliser la ville. Alors Earp, gunfighter lui aussi, s’en ira, laissant la ville pure. Il laisse néanmoins entendre qu’il va revenir.
Le film est très sombre, marqué constamment par la mort, et avec peu de scènes comiques comme dans d’autres de ses films (faute de la production, qui lui imposera le montage final). Les acteurs sont superbes, aussi bien Henry Fonda que Linda Darnell ou Cathy Downs. Mais mon préféré est Victor Mature qui joue le Doc John Holliday. La mise en scène est encore une fois brillante, peut-être l’une des meilleures mises en scènes du réalisateur. S’inspirant de l’impressionnisme allemand, Ford effectue un excellent travail sur les ombres. L’un des plus beaux plans est certainement celui de l’ouverture du duel, lorsque le soleil se lève sur la ville. L’affrontement apparaît alors comme une renaissance.