Le rire est-il culturel ? Ou plutôt, rions-nous tous de la même chose ? Mon ami Igor, authentique immigré russe, m’a présenté La Prisonnière du Caucase ou les Nouvelles Aventures de Chourik comme la comédie la plus réussie des années communistes. J’en prends acte. Rirai-je à sa vision ?


Chourik (**Alexandre Demianenko**, que l’on retrouve dans la plupart de ses films), un jeune et naïf anthropologue russe, visite le Caucase afin de se documenter sur les traditions locales. Il tombe amoureux de Nina, que son oncle vient de promettre à un apparatchik. Assuré du refus de la promise, l’oncle et le fiancé organisent son enlèvement, qu’ils confient à Chourik, lui présentant le forfait comme une coutume caucasienne.


Leonid Gaïdaï confie le premier rôle féminin à une jeune inconnue, Natalia Vladimirovna Varley, artiste-gymnaste de cirque, qui poursuivra une carrière au cinéma. Elle joue une délicieuse et tonique ingénue et excelle dans l’art de rouler des yeux malicieux. On regrettera seulement que le scénario ne lui ait pas donné l’occasion de jouer les acrobates. Confiez-lui une épée et une cape, elle aurait fait merveille !


Russe atypique, Chourik n’avait jamais bu. Or, ses premiers contacts lui proposent de débuter ses travaux par une étude, un grand verre en main, de la tradition du toast. Par obligation, il boit et boira... Il semble même y prendre gout. Leur commune passion pour l’alcool se traduit par de savoureux et interminables compliments déclamés en langue de bois soviétique. Gaïdaï sait varier ses effets, musique endiablée, intermèdes chantés ou mimées, courses-poursuites, quiproquos, combats de concombres, ânes et moteurs récalcitrants ou une longue séquence-terreur sur fond de Lac des Cygnes.


Ai-je ri ? Un peu. La grimace, le mime ou le comique gestuel passent bien les frontières. Charlot, Laurel et Hardy sont universels. Les trois hommes de main jouent parfaitement les benêts, un peu trop. Le rythme s’en ressent. La séquence du réveil de Nina dans la prison est magnifique.


Pour le reste, je crains que la plupart des références au Plan, aux contrôles et aux respects des normes ne m’aient échappé. Plus subtil encore, trop subtil pour moi, Gaïdaï joue de des différences entre Russes et Caucasiens, de leurs accents et de leurs argots, par nature intraduisibles. Il oppose les froids et matérialistes slaves aux joyeux musulmans orientaux.


Peut-on rire du Plan ? Nous sommes en 1967.Staline est mort. Le régime s’est adouci. D’ailleurs, nos valeureux citoyens soviétiques chantent sur des airs traditionnels, mais dansent sur des rythmes occidentaux. Tout fout le camp !

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le 21 févr. 2020

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Step de Boisse

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