"What makes a man to wander ?" ... https://www.youtube.com/watch?v=srU7eKMWFyQ&ab_channel=DolereProductions
Cette phrase et ces mots trouvent un écho dans la chanson qui ouvre le film. Ils évoquent des pulsions masculines de base, l’instinct de conquête, tant sur le plan physique, que spirituel (à l’intérieur de soi-même). C'est le besoin de se trouver ou de se retrouver. C'est un thème profond, presque religieux, voire même totalement religieux (le catholicisme). C'est aussi une envie de voyager qu'on associe davantage à l’anti-héros, l’homme indépendant avec une face sombre et terriblement attrayant ... et à l'opposé de l'image du mari à la maison.


La Prisonnière du désert de John Ford explore donc tous ces thèmes (la religion et l'anti-héros), ainsi que ceux plus classiques que l'on trouve généralement dans tous les westerns, comme le sexe, le racisme, le héros américain ... et surtout, il explore la dichotomie entre la civilisation et le grand désert sauvage. C'est un film qui joue plus sur les émotions et le ressenti du spectateur, que sur les fusillades entre bons et méchants. C'est d'ailleurs ce qui a pu contribué à son manque de reconnaissance immédiate, mais aussi à son influence durable sur les générations suivantes de cinéastes (Martin Scorsese et John Milius, entre autres). La Prisonnière du désert est vénéré pour la complexité de son intrigue, ainsi que pour sa beauté formelle.


Ethan Edwards (John Wayne / l'anti-héros) est un vétéran de la guerre civile. Aprés des années d'errance, il retourne chez lui pour rendre visite à son frère et sa petite famille. Mais lorsque le bétail d’un voisin est porté disparu, Ethan rejoint l’équipe de recherche, accompagné de Martin Pawley (Jeffrey Hunter / le héros) le fils adoptif de son frère. Après plusieurs jours de recherche, ils découvrent le bétail massacré par les Indiens. C'était une tactique de diversion pour éloigner les hommes de leurs maisons. Ethan arrivera trop tard et découvre son frère et sa femme morts. Seuls manquent ses deux plus jeunes nièces, probablement kidnappées par les comanches. Un groupe mené par le révérend / capitaine Samuel Clayton (Ward Bond) est alors envoyé pour sauver les deux jeunes filles. Se joignent à ce groupe, Ethan et Martin qui sont naturellement les plus déterminés de tous. Cependant, si les motivations de Martin sont pures, celles d'Ethan paraissent plus troubles ...


La toute première chose qui vous frappe, lorsque vous regardez La Prisonnière du désert, c’est la richesse des couleurs et la beauté des paysages. Jamais aucun cinémascope n'aura été si beau. Mais très vite, il apparait évident aussi que le film ne sera pas aussi joyeux, que ses couleurs le laissent suggérer. Autant sur la forme c'est splendide, autant sur le fond c'est très sombre.


L’attaque sur la ferme (invisible mais brutale) au début du film, n’est que la première des nombreuses tragédies qui vont se succéder tout au long du film. Bien souvent, les images les plus dures du films, ne sont même pas montrées, elles sont suggérées ou se déroulent hors-champ. c'est d'autant plus effrayant, que c'est notre imagination qui est stimulée. C'est bien connu (cf. le premier Alien de Ridley Scott), rien n'est plus effrayant que ce qui n'est pas montré. Malgré tout, même si le danger est invisible, une partie de l’action dans le film est violente et assez choquante (pour l’époque).


L’intrigue de La Prisonnière du désert repose autant sur la quête d'Ethan, que sur ses réelles motivations. Nous soutenons sa cause (retrouver ses deux nièces disparues), mais pas ses motivations. Seul, séparé de toute famille ou vie de famille qu’il a pu avoir autrefois, Ethan est rempli de dépit et de haine. On est saisi par les enjeux du film, à savoir si au final il trouvera la rédemption ou si sa quête se terminera sur un bain de sang.


Je ne suis pas le plus grand fan de John Wayne et trop souvent, j'ai l'impression qu’il livre toujours la même performance. Il s'est construit un personnage, avec une voix et une démarche très particulières. Mais je dois l'admettre, sa performance surprend ici dans La Prisonnière du désert. Il joue à peu de choses prés toujours le même personnage ... il fait du John Wayne, quoi ! Cependant, cette fois-ci il met de côté son image de héros américain ! C'est toujours John Wayne, mais un John Wayne rempli de haine, une haine raciale (les indiens) et sectaire. C'est difficile d'aimer un tel personnage et pourtant ... Le traitement du personnage de John Wayne par John Ford est ici une allégorie moderne. Ethan peut être pardonné de ses péchés quand ...


Lors du dénouement final, un acte de bonté nous donne de l’espoir, Ethan épargne la vie de la nièce retrouvée (Natalie Wood). Nous comprenons qu’Ethan a appris une leçon importante, la tolérance.


Tout le casting secondaire est excellent, en particulier le couple Vera Miles - Jeffrey Hunter et Ward Bond. Oubliez Natalie Wood, ici elle n'a qu'un rôle très secondaire et n'apparait pas plus de deux minutes (au mieux) à l'écran. Mais en réalité, tout l'intérêt du film repose entièrement sur les larges épaules de John Wayne et de son réalisateur John Ford. Personne d'autre que John Ford filme aussi bien les magnifiques paysages du Monument Valley. Ce sont des paysages immenses (à perte de vue) et splendides. Tous les plans sont d'une netteté surréaliste, tout est net que ce soit au premier ou au second plan. Il n'y a pas un seul plan qui apparait flou, c'est la beauté du Technicolor et de la Vistavision de l'époque. Et non seulement les paysages sont beaux, mais en plus ils servent l'intrigue. John Ford utilise les canyons labyrinthiques comme un jeu de piste et les grands espaces pour mettre en scène les poursuites entre cowboy et indiens.


Ceci étant dit, le film peut paraitre trop lent par moments (et pourtant il ne dure pas plus de 2h00) et le casting d’un acteur manifestement non-autochtone pour diriger la tribu ennemie comanche (avec tous les stéréotypes qui vont avec) ne me convient pas trop. Cependant, ce sont deux défauts qui peuvent être attribués à l'époque où a été tourné le film. Le rythme des films n'était pas le même et bon nombre de rôles non-américains sont joués par des américains, le meilleur exemple étant Natalie Wood (encore elle) qui joue une portoricaine dans West Side Story.


Tout cinéphile qui se respecte se doit d'avoir vu au moins quelque uns des plus grands westerns de John Wayne et John Ford. La Prisonnière du désert est probablement le meilleur film par lequel commencer ... celui là ou L'homme qui tua Liberty Valance, vous ne pourrez pas vous tromper. John Wayne n’a jamais été aussi bon et fait preuve d’un grand courage en entrant dans la peau d'un anti-héros aussi dur. C'est un western digne de toutes les éloges qu’il a reçues.

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le 24 juil. 2022

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lessthantod

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