Le western a connu ses grandes heures de gloire lors des années 1950 et 1960. Et si l’on se rappelle notamment des grands western spaghetti de Sergio Leone, il convient de rappeler au souvenir de l’un des cinéastes les plus influents du septième art, et notamment dans le genre du western : John Ford. Découvert une première fois dans un moyen-métrage de 1917, A l’assaut du boulevard, il fut l’un des réalisateurs les plus prolifiques, avec plus de 140 films à son actif, tournés entre la fin des années 1910 et la fin des années 1960. Durant cette très longue carrière, il eut l’occasion de croiser de nombreuses stars du cinéma, et notamment John Wayne, ici au sommet de sa carrière dans l’un des films-référence parmi les western : La Prisonnière du désert.
John Ford était le cinéaste des grands espaces, il aimait la nature et savait la filmer comme peu d’autres. C’est d’ailleurs cette appétence et ce talent singulier qui donnent à La Prisonnière du désert quelque chose de grandiose et presque mythologique. Car le genre du western ne consiste pas simplement en des récits d’aventuriers intrépides partis à l’assaut des contrées reculées et devant survivre aux escarmouches provoquées par les Indiens. Là où les western spaghetti ont quelque chose de culte, une capacité à créer une ambiance autour de personnages mémorables et à baser leurs histoires sur des individualités, les western américains sont plus universels et donnent du relief à l’histoire des Etats-Unis.
La Prisonnière du désert se déroule quelques années après la fin de la guerre de Sécession, un conflit qui a laissé un pays encore tout jeune en ruines. Cela confère au film un côté à la fois presque post-apocalyptique et très originel. L’exploration de ces grands espaces vierges confronte les héros à un univers sauvage où l’homme n’a pas encore laissé sa marque, et où sa place n’est plus celle du prédateur, mais bien celle de la proie. On retrouvera d’ailleurs cette ambiance et cette approche dans les western de Clint Eastwood, notamment Josey Wales hors-la-loi, réalisé vingt ans plus tard. Au milieu de tout cela, dans ce monde impitoyable, mystérieux et lointain, on trouve le personnage d’Ethan, très taciturne, silencieux, ambivalent et solitaire.
Il est d’ailleurs la pièce maîtresse du film. Magnifiquement campé par un John Wayne au charisme indéniable, cultivant à souhait le mystère qui l’entoure, jamais héroïque, souvent dangereux et imprévisible, il représente la personnification de cet univers impitoyable et obscur. Il ne s’agit pas de gentils ni de méchants, ni de faire preuve de manichéisme. Ici, c’est la nature qui dicte ses lois, et les hommes doivent s’y conformer. C’est ainsi que John Ford conçoit La Prisonnière du désert, grâce à une imagerie à la fois captivante et fascinante, et un contexte menaçant et hostile.
C’est ce retour aux sources qui confère à La Prisonnière du désert un aspect presque mythologique, traduisant la destruction et la construction d’une civilisation encore désunie, primitive et fragile. Récit sur les origines de la civilisation, qui croise les époques, La Prisonnière du désert parvient à dresser un tableau spectaculaire et très brutal d’un continent encore sauvage, où tout était à construire, et où l’humain exposait sa véritable nature.