Avant de se perdre au début des années 2000, David Mamet a été un scénariste de génie chez Lumet et De Palma, et un réalisateur de talent. Et sa Prisonnière espagnole, pur exercice de style écrit et mis en scène par ses soins, n'est rien d'autre qu'une leçon d'écriture et une déclaration d'amour au cinéma. Comme s'il voulait donner un cours magistral et montrer son aptitude à développer un scénario.
Exploitant à la lettre l'idée du McGuffin chère à Hitchcock, le film est construit sur du vent. On ne sait pas vraiment qui sont les personnages, quelle est cette entreprise pour laquelle ils travaillent, ni en quoi consiste la fameuse trouvaille qu'on a pris soin de nommer sous le nom générique de "procédé". Les explications sont présentées hors champs dès lors qu'elles sont visuelles, ou couvertes de bruit lorsqu'elles sont prononcées. Sur ce néant total, le film développe une histoire pourtant alambiquée à souhait. Et à l'image de son titre, la fameuse arnaque est le film lui-même, tout autant dépourvu de prisonnière espagnole que son intrigue.
On comprend d'entrée que le film veut mystifier son spectateur. Mais on a beau essayer d'anticiper, le scénario a toujours une longueur d'avance. Et chose rarissime, les twists innombrables coulent comme du petit lait au fil de l'histoire, sans paraitre plaqués artificiellement. Bien sûr, tout ici est parfaitement invraisemblable. Mais c'est justement la grande force du film de réussir à tout faire gober. En outre, la BO feutrée et mélodique de Carter Burwell - excellent, comme toujours - donne un halo de mystère à tout ça.
Le film fait largement penser à une version avant l'heure de The game de Fincher par sa manière d'illusionner son protagoniste. Mais ce n'est pas ici une grosse production, les effets sont réduits. Pas de course poursuite, aucun coup de feu. Seule la qualité du scénario fait monter crescendo l'ambiance. Ce qui rend d'autant plus admirable l'effet que produit le film.