Comment se faire Pidgeonner

A partir d'un scénario tarabiscoté et malin, David Mamet signe un film d'arnaque étrange mais plaisant, qui figure parmi les plus réussis du genre, aux côtés de standards tels que "Les neufs reines" de Fabian Bielinsky, "Les associés" de Ridley Scott ou plus récemment "Mademoiselle" de Park Chan Wook.

Certes, la vraisemblance de l'intrigue reste très discutable (pourquoi imaginer une telle machination finalement? il y avait d'autres moyens pour s'approprier le fameux procédé), mais Mamet s'en amuse, adoptant un ton assez décalé (parfois proche du second degré), montrant ainsi que cet aspect reste secondaire.

Et une fois pris dans les filets de ce récit à tiroirs, alambiqué et mystérieux, on passe un vrai bon moment à tenter de dissocier le vrai du faux et à repérer d'éventuels indices ; plus improbable encore, on finit par ressentir de l'empathie pour le héros, un scientifique falot pris au centre d'une toile d'araignée, à l'instar du spectateur.

C'est le méconnu Campbell Scott qui incarne cet homme assez insignifiant, mais inventeur d'un procédé scientifique susceptible de rapporter beaucoup d'argent. Face à ce comédien au physique banal, la mutine Rebecca Pidgeon joue elle-aussi un personnage sans grand charisme, petite secrétaire bavarde à la féminité discrète.

Steve Martin se distingue pour une fois dans un rôle sérieux, tandis que Ben Gazzara campe un dirigeant de société quelque peu avare, et que la future desperate housewife Felicity Huffman effectue une apparition en tant qu'agent du FBI.
Enfin, à moins évidemment que l'un ou l'autre ne soit pas ce qu'il prétend être, comme dans tout bon film d'arnaque qui se respecte...

Avec son titre insolite, "The spanish prisoner" propose un ton singulier et une atmosphère hypnotique (à l'image du décor insulaire de la partie introductive), soulignée par le score entêtant de Carter Burwell, se positionnant ainsi comme un film d'arnaque atypique. Même si la mise en scène mollassonne et les retournements successifs ne feront pas l'unanimité, David Mamet signe un divertissement ludique et réjouissant.