Le monstre sous l'uniforme.
Polar assez classique, où toute la puissance se dégage du personnage principal et de la retranscription minimaliste des seventies.
"La prochaine fois, je viserai le cœur" est un cas d’école dans le domaine du film de serial killer." Henry : portrait d’un serial killer", "l’étrangleur de Boston",… ces œuvres, fondatrices et notoires du genre, avaient déjà brillamment exploré les tréfonds de la psyché et du comportement humain. Malgré son côté académique éloquent, le personnage présente des caractéristiques assez inattendues et étonnantes. Guillaume Canet, à contre-emploi, est saisissant dans ce rôle ambigu tout en retenue. La complexité du personnage et son évolution longitudinale accroît un sentiment d’étouffement et de perte de tous sens moraux enfuis dans une pseudo compassion vis-à-vis d’une figure d’anti-héroïsme. La relation morbide qui nous lie au tueur prend tout son sens dans la dernière partie, où l’étau se resserrant, notre compassion coupable en prend un sérieux coup, divisant nos principes du bien et du mal. Cerner la psychologie du tueur n’est en rien la volonté du film, mais c’est plutôt son rapport à concorder nos sentiments vis-à-vis d’un personnage qui en est complètement dénaturé et en obtenant une identification séductrice du mal. Jamais on ne tombe dans la caricature lassante du cinglé de service, où sa folie se pervertit dans une configuration typiquement visuelle. Ici, on ne sait finalement que très peu du personnage, et c’est tant mieux. Il ne faut évidemment pas oublier que, à côté de ce travail de composition, il y a une mise en scène et une atmosphère extrêmement travaillée. Cédric Anger propose une vision assez froide de la France profonde, due surtout à un éclairage naturel glaçant. S’octroyant quelques moments de tensions habillement orchestrés, Anger monte son film sur un rythme lancinant, encrant au fur et à mesure le spectateur dans une ambiance sombre tout en sublimant ses plans d’une beauté sclérosante.
"La prochaine fois, je viserai le cœur" trace donc avec brio ce portrait de tueur torturé par sa volonté à faire le bien tout en s’abandonnant à ses pulsions meurtrières sans jamais pouvoir les contenir. Une histoire malsaine qui ne vous touchera peut-être pas en plein cœur, mais qui réussit tout de même à interpeller.
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