Auréolé du succès de son drame rural qui mettait en lumière la détresse des agriculteurs français, le cinéaste Edouard Bergeron change de registre ici tout en restant sur un sujet proche de la nature. Cependant cette fois, c’est à des milliers de kilomètres de la France que cela se déroule puisqu’il s’intéresse à l’industrie de l’huile de palme et ses ravages sur les forêts primaires indonésiennes. Pour l’illustrer, il convoque le drame et le suspense judiciaire avec l’histoire d’un étudiant français témoin des méfaits de milices privées à la solde de ces grandes entreprises et qui va se retrouver emprisonné dans les geôles du pays avec le risque d’une condamnation à mort. Sa mère, entre les couloirs diplomatiques de Paris et l’aide de diplomates et contacts français dans le pays asiatique va tout faire pour le libérer. Un angle d’approche intéressant et qui se marie bien avec le sujet et permet de ne pas faire un simple film politique ou à charge contre cette industrie néfaste. Et ainsi d’y ajouter un soupçon d’émotion et une dose de tension.
On pourra reprocher quelques défauts à « La Promesse verte », notamment son côté didactique et donneur de leçons. Surtout que le sujet est connu et que Bergeron enfonce parfois des portes ouvertes mais cela reste une œuvre courageuse et nécessaire pour ouvrir (du moins en partie et pendant deux heures) la conscience des spectateurs. Le message est parfois asséné lourdement mais le temps d’une scène pivot, concise et édifiante avec Philippe Torreton, l’étendue du problème ainsi que ses ramifications, causes et conséquences est parfaitement résumée. En trois minutes, les raisons de ce ravage sur l’environnement sont édictées avec une clarté parfaite. Il y a aussi parfois des réactions de personnages qui sonnent faux (Lamy qui nettoie sa maison de tout produit avec de l’huile de palme) ou qui semblent peu crédibles (Moati qui préfère refuse de ne pas parler du sujet à son procès quitte à risquer la peine de mort). On note des effets qui sont également parfois un peu appuyés et un schéma narratif un peu redondant. Le long-métrage est rythmé et ne provoque aucun ennui mais certains passages auraient pu être supprimés par leur côté répétitif.
Le scénario est en revanche écrit méticuleusement puisqu’il décortique à la perfection à la fois les tenants et les aboutissants d’une industrie énorme qui arrose de nombreuses personnes et corporations à travers le monde, tout en soulignant la corruption et la soif d’argent de politiques et entrepreneurs et en présentant la complexité diplomatique d’une telle situation. Des couloirs du Quai d’Orsay au tribunaux indonésiens, le chemin de croix d’une mère pour tenter d’extirper son fils d’Indonésie est montré dans toute sa complexité. Les personnages sont également bien écrits et la détresse écologique ainsi que le message qui va avec sont bien présentés. Les acteurs défendent leurs rôles avec beaucoup de conviction et on est happé aussi bien par le versant dramatique qui nous touche à plusieurs reprises en plein cœur que par le côté thriller de sauvetage et les embûches subies par une mère tentant désespérément de sortir son fils de ce bourbier. « La Promesse verte » est une belle proposition de cinéma, certes imparfaite, mais qui fait son office et qui a le mérite d’être superbement réalisée avec beaucoup d’ambition et une caméra ample et généreuse.
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