Ce film de Ken Russell (un de ses derniers pour le cinéma et le plus récent que j'aie vu, c'est-à-dire 20 ans après Les Diables par exemple) a beau être d'une simplicité presque banale, il se situe dans un alignement — presque parfait à titre personnel — de thèmes et de tons dans la case "cynisme d'une prostituée lucide". C'est très subjectif, mais j'ai été particulièrement réceptif à l'humour décalé et au charme de l'actrice principale, Theresa Russell (sans lien de parenté a priori), dans le rôle d'une prostituée racontant avec beaucoup d'ironie sa vie quotidienne face caméra, dans un style pseudo-documentaire mais surtout frontalement décalé. C'est trois fois rien, Liz qui nous raconte ses déboires, ses fous rires et ses moments glauques, sans misérabilisme et avec un ton juste et neutre tout du long, avec un second degré très solide pour maintenir l'ambiance pas trop pesante. Toute la trame en lien avec son mac est assez paresseuse, un peu trop poussive et importante à mon goût, mais ça ne gâche en rien l'exploration de ce monde qui repose sur le sexe et l'hypocrisie — deux mamelles du cinéma de Ken Russell (on se rappelle encore la séquence d'orgie dans The Devils). Le quotidien de Liz est franchement sordide mais il y a tellement de séquences bien foutues (disons qui fonctionnent bien avec ma sensibilité en matière de comédie), ce n'est pas du tout le sentiment prédominant. On croise Danny Trejo en tatoueur (le mac tatoue ses filles comme du bétail), Antonio Fargas en clodo bienveillant (toujours aussi hypnotisé par sa tête), mais c'est clairement Theresa Russell qui a ma préférence de ce côté-là. Beaucoup de passages comiques en lien avec de la gérontophilie, sans pour autant que les plus jeunes soient épargnés : autant dire que ce contrepied à Pretty Woman (Russell aurait réalisé ce film en réponse) m'arrive comme un vent de fraîcheur, sans jugement, à forte consonance de satire sociale, avec son lot de confessions abominables formulées un sourire en coin, empreint d'une légèreté salvatrice, et non exempt de séquences aussi drôles que crados. On est presque dans la poésie du dégueulasse et de l'abject par moments.
"Man in Car: I wanna fuck you up the ass!
Liz: You can stick it up your own, asshole!
Man in Car: Ha ha ha ha ha, I would if I could, bitch!"
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