Je commence par un aveu qui peut avoir son importance : Je n'connais pas bien la série. Bien entendu, j'en garde quelques souvenirs lointains et relativement marquants de fin du monde, de coffre-fort post-apocalyptique, de bibliothèque inutile en paysage désolé et autres potences ombragées, mais on n'peut clairement pas dire que je l'ai réellement "suivie", chose qu'au demeurant, j'aimerais peut-être un jour corriger.
Bref, le film. Nous sommes donc en présence d'un de ces films à segments, présentant à la fois tout l'avantage captivant d'un métrage "comic book" défilant rapidement au fil de ses petites histoires et la frustration d'un défilé d'univers restreints dans un cadre de contraintes. Mais il est clair que l'alchimie de nos quatre gaillards prend rapidement et laisse ici quelque chose de tout à fait réussi dans l'inventivité sournoise envers de pauvres hères, donnant dans l'ordre :
1) John Landis.
Ce segment prend ses racines dans un petit bar miteux collectionnant une galerie de gueules sirupeuses, suintant la sueur, pendant mollement au bout de corps éreintés ou s'agitant par soubresauts sous l'effet d'un stress hystérique convulsif.
Petit à petit, Landis installe des bases pour bâtir le plus vicieux des parcours imaginables à son personnage principal, le jetant violemment dans un monde paranoïaque où tous repaire se volatilise, dissimulant derrière chaque face amie un côté mortel, plongé dans un monde flou et intangible.
Ce segment reste peut être le plus anxiogène et une réussite parfaitement dans le ton par son rythme sans répit de tension grandissante et son final extrêmement sadique.
(dommage que le dit segment soit affligé d'une triste réputation due à mort accidentelle de Vic Morrow et de deux enfants lors de son tournage)
2) Steven Spielberg
Je pense que je n'ai pas trop besoin de repréciser l'estime que j'ai pour le monsieur, ce serait risquer les répétitions inutiles. Alors c'est sans le moindre scrupule que j'affirme que ce film se serait bien passé de son segment mielleux au possible, le réalisateur semblant se caricaturer lui même en y accumulant tout ce qu'il y a de plus redondant dans ses obsessions et les exposant ici sans grande subtilité, avec la légèreté d'un pot de confiture de 2 kilos étalé sur une biscotte. J'ai souvent tendance à répéter à outrance que non, Spielberg n'est pas le simple cinéaste enfantin aux douces rêveries niaises que ses détracteurs les plus possédés se plaisent à dépeindre en logorrhée agressive, mais force est d'avouer que s'il avait voulu se mettre de leur côté, il ne l'aurait pas fait mieux qu'avec ce segment...
3) Joe Dante
Putain mais j'aime ce mec... Encore un que je vois bien complètement fan de la série et qui sait avec brio adapter son univers au ton général dans une perspicacité proche de celle de Landis, les cartoons et les influences de la série B des 50's en plus.
Dante distille un enfer sucré, contrebalançant à sa façon et de manière superbement involontaire toute la guimauve vomitive du précédent segment pour en faire ici son arme principale, dans un décor difforme, boursouflé et criard, un univers de clown dévorant, de maison de pain d'épice perdu dans les bois, de bol de soupe chez une famille d'ours... ce genre de trucs...
Un conte qui joue sur le paradoxe séduisant du ludique rigolo et de l'horreur pure, un monde de couleurs, de jeu, de dessins qui bougent, de jouets qui gonflent, de marionnettes qui jaillissent, un monde de rêves et de cauchemars, un monde de burgers au beurre de cacahuète et de chambres lugubres, un monde de pantins hilares et d'esclaves torturés, se jouant de toutes les limites comme des tracés indistincts et mouvants au crayon de bois, sans cesse changeant suivant l'humeur de son terrifiant créateur.
Atmosphère inquiétante, parfois dérangeante, créativité digne de son auteur, série de tronches geignardes dégoulinantes de graisse, fourmilière de têtes à claques improbables, gosse tyrannique, lapin monstrueux, Dick Miller... Que demander de plus ?
4) George Miller
Considéré par beaucoup comme le sommet du film, le segment de Miller est indéniablement une petite réussite. Le bonhomme va se jouer de la trouille en avion en créant à son tour une ambiance hallucinatoire et paranoïaque, semblant reprendre allègrement l'origine des Gremlins mis en scène par le réalisateur précédent, eux mêmes déjà mentionnés dans le cartoon "Russian Rhapsody", court métrage des Merries Melodies montrant Hitler aux commandes d'un bombardier petit à petit démoli par de petites créatures, les "Gremlins from the Kremlin".
Je précise que je ne sais absolument pas si George Miller s'est inspiré de ça pour réaliser son segment, mais l'ambiance prête à se poser la question.
Un homme est pris de panique, voyant plus ou moins distinctement entre deux éclairs d'un puissant orage une créature détruire l'aile de l'avion dont il est passager. Il hurle, se débat, crie l'alerte insensée que personne ne prend au mot, préférant tenter de le rassurer et au pire l'immobiliser violemment pour la sécurité de tous. Projeté dans ces ténèbres, la caméra film la peur panique au rythme des coulées de sueur et hurlements de terreur.
Le film est très bien mené (pour changer) et garde son ambiance glaciale du début à la fin.
Surement l'un des meilleurs films à segments qui aient été réalisés, proposant trois courts métrages d'une excellente qualité, empreints chacun de la patte si singulière de leur réalisateur pour malmener une galerie de tristes et euphoriques bouc-émissaires, le tout accompagné par l'orchestration de Jerry Goldsmith, encore une fois fort à propos.
Si si, il y a bien quatre courts en tout, mais décidément, la réalisation de Spielberg gâche le film...
Le court métrage "Russian Rhapsody" mettant en scène les "Gremlins from the Kremlin" évoqués plus haut : http://vimeo.com/52096337