oct 2010:

Et voilà, encore un coup du duo Powell / Pressburger : je me suis fait eu, une nouvelle fois par la virtuosité de leur mise en scène et cet univers merveilleusement coloré.

Tout de suite en effet, l'habillage visuel remplit les mirettes du spectateur de mille couleurs. Depuis "Le narcisse noir" je crois que je n'avais vu une aussi décomplexée mais habile utilisation du Technicolor. Ils en ont les moyens et ne lésinent pas à la tâche. La photographie est par moments ébouriffante.

De plus, Powell et Pressburger ont le génie de dénicher des histoires solides qui s'appuient sur des canevas classiques (ici, une femme entre deux hommes, l'un vertueux, l'autre animal), étayées par des siècles de civilisation. Et ils en tirent un récit intense, magnifié par des trésors de mise en scène et image.

Les couleurs se sont pas justes éclatantes, foisonnantes et belles. Elle disent des choses à l'œil du spectateur. Les robes rouges passion de Jennifer Jones ou bien les rayons orangés du soleil couchant dans la maison du pasteur enfiévré de jalousie et d'amour en sont les illustrations évidentes.

L'art de dire sans les mots n'est pas un usage vain pour Powell et Pressburger : des séquences où les pieds parlent, vous conviendrez qu'il n'en existe pas des pelletées, hum? Ces deux lascars nous en livrent une de toute beauté. Comment rester insensible à ce genre d'exploit poétique? N'est-ce pas pour cela que le cinéma existe et nous fascine?

Le seul élément qui retreint mon plaisir est ce dvd sans sous-titres, du tout, pas même anglais. Il serait présomptueux de ma part de vouloir faire accroire que l'accent gallois de Jennifer Jones et Esmond Knight ne m'a pas posé le moindre problème de compréhension. Certaines phrases ont été difficilement déchiffrables par instants.
A noter que le dvd présente quelques écarts de couleurs ou de luminosité également. Pas de quoi fouetter un renard cependant.

Heureusement, le jeu des trois principaux comédiens est parfait. Jennifer Jones en brave jeune fille, un peu trop ingénue, David Farrar en brute épaisse, fondu de possessivité et Cyril Cusack en austère protestant se découvrant une passion magnifique pour sa jeune femme forment un trio gagnant. On a rarement vu Powell se louper sur sa distribution. C'est toujours un plaisir de voir ses films également pour découvrir des talents, souvent issus du théâtre britannique.

Cette histoire, émouvante et haletante finit d'emporter tout. Le personnage d'Hazel (Jennifer Jones) tiraillé entre deux hommes complètement opposés est l'image même de la féminité, la toute jeune, celle qui se trouve pour la première fois confrontée à l'amour et les choix de vies qui en résultent : l'aventure ou la sécurité? la passion ou la fidélité? le sexe ou l'amour?

Certes, l'existence et les rencontres s'évertuent, dans la réalité, à rendre tout cela bien plus complexe mais la parabole est belle et a le mérite de souligner des tourments qui n'ont plus rien d'irréel.
D'autre part, rien dans le scénario ne vient simplifier l'histoire. Les personnages ne sont jamais jugés de manière simpliste, ni irrévocable. Ils ont droit aux égards des auteurs. Ils sont aussi complexes, partagés, indécis, fragiles, vrais en somme.

Comme souvent chez Powell et Pressburger, le film s'installe doucement en vous et prend de plus en plus de place. Vous vous retournez et vous rendez compte qu'il vous a marqué plus que vous ne le soupçonniez à la fin du visionnage. Signe des grands films.
Alligator
8
Écrit par

Créée

le 14 avr. 2013

Critique lue 825 fois

8 j'aime

Alligator

Écrit par

Critique lue 825 fois

8

D'autres avis sur La Renarde

La Renarde
Alligator
8

Critique de La Renarde par Alligator

oct 2010: Et voilà, encore un coup du duo Powell / Pressburger : je me suis fait eu, une nouvelle fois par la virtuosité de leur mise en scène et cet univers merveilleusement coloré. Tout de suite en...

le 14 avr. 2013

8 j'aime

La Renarde
cathVK44
9

Critique de La Renarde par cathVK44

Épousant la nature et ses esprits, sa sensualité fatale embrase les hommes. À la croisée de deux mondes sombre la promesse de la renarde.

le 9 août 2024

La Renarde
Redzing
6

Corps ou âme

Hazel est une jeune sauvageonne, vivant dans la campagne anglaise à la fin du 19ème siècle. Elle fera tourner les têtes de deux hommes locaux, un aristocrate lubrique qui veut surtout son corps, et...

le 17 mars 2021

Du même critique

Cuisine et Dépendances
Alligator
9

Critique de Cuisine et Dépendances par Alligator

Pendant très longtemps, j'ai débordé d'enthousiasme pour ce film. J'ai toujours beaucoup d'estime pour lui. Mais je crois savoir ce qui m'a tellement plu jadis et qui, aujourd'hui, paraît un peu plus...

le 22 juin 2015

55 j'aime

3

The Handmaid's Tale : La Servante écarlate
Alligator
5

Critique de The Handmaid's Tale : La Servante écarlate par Alligator

Très excité par le sujet et intrigué par le succès aux Emmy Awards, j’avais hâte de découvrir cette série. Malheureusement, je suis très déçu par la mise en scène et par la scénarisation. Assez...

le 22 nov. 2017

54 j'aime

16

Holy Motors
Alligator
3

Critique de Holy Motors par Alligator

août 2012: "Holly motors fuck!", ai-je envie de dire en sortant de la salle. Curieux : quand j'en suis sorti j'ai trouvé la rue dans la pénombre, sans un seul lampadaire réconfortant, un peu comme...

le 20 avr. 2013

53 j'aime

16