Comme souvent dans les films de Hawks, la Rivière rouge est l'histoire d'une amitié, mais une amitié contrariée et chaotique. Ce sont 2 hommes que tout sépare, l'âge comme l'expérience, et Hawks a bien traduit cet affrontement, impitoyable mais avec honneur, entre un de ces "pieds tendres" souvent venus de l'Est avec leur naïveté dans ce rude Far West, et un de ces vétérans, ancien militaire devenu cowboy et propriétaire terrien. Mieux que tout autre, John Wayne symbolise ce type d'homme mûr et rompu à tous les dangers de l'Ouest. Rarement on aura vu un Wayne aussi sévère, dur, intransigeant, voire même cruel, je me souviens que quand j'avais vu ce film la première fois après l'avoir admiré dans Rio Bravo ou les autres westerns de John Ford, où Wayne avait un caractère plus souple, ça m'avait beaucoup surpris.
Hawks reste un génie, en quelques plans, il vous plante un décor, une atmosphère, des personnages, et même les scènes simples deviennent belles et inoubliables, à l'image de la fameuse bagarre finale entre Wayne et Clift. De tous les westerns de Hawks, c'est celui qui s'ouvre le plus sur l'espace et les paysages, c'est en même temps un western qui est explicitement lié au monde des pionniers, à la conquête des terres, et où la femme est pratiquement exclue de cet univers très viril.
Premier western de Howard Hawks et première rencontre entre lui et John Wayne (ils se retrouveront dans Hatari et la trilogie Rio Bravo, El Dorado et Rio Lobo), le film permit au tout jeune Montgomery Clift de se frotter au western et à un univers très différent de l'orientation vers laquelle il se dirigera ensuite (le drame), il devint une vedette grâce à ce film, tandis qu'on y retrouvait déjà l'incroyable Walter Brennan, quelques sales gueules comme celles de John Ireland ou Noah Berry Jr, ainsi que la pétillante Joanne Dru. On constate enfin que Hawks pour son premier essai westernien, a su à l'instar de John Ford, manier les chevaux et les grands espaces avec poésie et une solide maîtrise, donnant un côté épique à son film qui en fait indéniablement un des fleurons du genre.