En 1971, le cinéaste Jean Rollin a entamé une démarche expérimentale en commençant progressivement avec le bizarroïde "Requiem pour un vampire". Deux ans plus tard, il sort "La rose de fer", film voué à l'échec commercial après lequel il tournera en fin 1973 et début 1974 deux films érotiques sous le nom de Michel Gentil. Explications.
Il faut dire que l'affiche française du film visait juste : "Du rêve éveillé au délire fantastique, la plus étrange des histoires d'amour". Deux jeunes personnages se rencontrent à un repas de mariage. Dès le premier plan, la photographie est magnifique. Un train abandonné envahi par la brume... Revenons en à nos héros. Elle innocente, lui poète. Il en profite pour réciter devant l'assemblée ébahie un merveilleux poème de Tristan Corbière (souvenez-vous, les "amours jaunes" sur la plage... mais je m'égare un peu, là) et elle tombe sous le charme.
Le lendemain, ils vont se balader dans le grand cimetière d'Amiens et se perdent. C'est tout. Bon, j'oublie de préciser qu'ils deviennent tous les deux cinglés. S'ensuit un terrifiant huit clos d'une heure, pratiquement sans dialogues, avec la meilleure BO jamais composée pour un film de Rollin (signée Pierre Raph, évidemment). Longs plans fixes, éclairages étonnants, mysticisme débordant de morbidité, nous avons affaire à un film ahurissant tant il est incongru. Le film d'un homme qui en a marre de l'industrie du cinéma. Le film d'un homme qui aime le cinéma. Un film. Un vrai film...
Véritable pied de nez à toutes les conventions cinématographiques, "La rose de fer" est marquant par sa marginalité et son sens si personnel de la poésie fantastique. Pas étonnant que le public des salles de quartier (souvent des beaufs venus voir des nanars) n'ait pas apprécié cette incursion mortelle dans l'âme tourmentée de deux jeunes gens, amoureux au point d'en mourir.