Nos émotions sur grand écran
Le titre est simple et pourtant l'entreprise est vaste, considérable et périlleuse, mais surtout le thème est universel. A croire que les plus grandes oeuvres ne parlent que de nous et ne veulent qu'une chose, nous parler à nous, au plus près, le plus fort possible.
La roue est une oeuvre immense, une montagne qu'il faut escalader, durement, péniblement pour pouvoir, à la fin, contempler ses merveilles et goûter aux émotions pures qui nous sont proposées. Il faut endurer les cinq heures que dure le film pour mériter ce qui nous est donné, car ce film nous rappelle que dans la vie rien n'est gratuit. On ne gagne rien, on vit sans intensité, sans saveur sans efforts préalables. Ainsi, il faut accepter le voyage d'Abel Gance. Oui, il faut faire le premier pas pour ensuite se regarder dans un miroir.
Voilà un film qui par son audace, sa créativité, son inventivité constante (là encore pas de paresse, mais une succession d'efforts pour atteindre le but tant recherché) ne peut que toucher chacun d'entre nous, même la plus simple des personnes. Tout est là, à sa place, avec comme envie de la part du cinéaste de parler des grands sentiments. Prendre des petites gens pour raconter une grande histoire d'amour. Partir de l'infime pour chercher à atteindre ce que, sûrement, nous désirons tous, connaître les grands sentiments, le grand amour. C'est parce que Gance n'a pas peur de parler de l'Amour, c'est parce qu'il est confiant, orgueilleux, téméraire, précis et poète qu'il parvient à conter ce récit qui ne peut que parler à tous.
Abel Gance prouve que, très tôt, il a tout compris au cinéma qui est un art accessible à tous. Grâce au 7ème art, il peut communiquer, échanger avec les masses, leur susurrer à l'oreille. Et que nous raconte alors La roue ?
La roue nous parle d'un amour impossible. Quelque soit votre âge, vous avez tous connu cette tristesse amoureuse, plus ou moins fortement. Ces personnages vous sont inconnus, ces lieux, cette époque ne vous disent rien et pourtant, vous comprenez leurs gestes, leurs attitudes. Chacun a essayé de chasser de son esprit la personne avec qui il ne pouvait pas ou ne pouvait plus être, quel-qu’en soit la raison. Nous avons tous été contraint de faire l'effort d'oublier. Nous avons tous dû essayer de penser à autre chose. Nous avons tous essayé de concentrer notre attention sur autre chose, le travail par exemple, l'alcool, le jeu, etc. Nous avons connu ces instants où nous sommes impuissants. Nous avons beau essayé de penser à autre chose : son image est là, devant nous, que nous ayons les yeux fermés ou grands ouverts, son odeur est présente. Impossible d'y échapper. Même les rêves nous prennent au piège.
Et nous sommes tous égaux devant cette situation, plus rien n'a d'importance. Le travail devient secondaire. La négligence devient le maître mot. S'empêcher de voir l'autre est un mal nécessaire, le ou la voir est une heureuse douleur. On garde des objets tels des reliques pour compenser son absence et on essaye quand même de veiller sur lui ou elle, à distance, dans l'ombre, pour être sur qu'on puisse toujours agir, être là, même si la douleur est toujours présente, et que rien, peut-être, ne changera. Et là, aussi simplement, le symbole de la roue s'impose. Où que vous alliez, dans quelque endroit où vous tentez de vous cacher, il n'y a aucune issue.
Les personnages du film d'Abel Gance sont prisonniers de leur amour. Ce grand cercle de souffrance ne se rompra qu'à leur mort. Bien sûr, la tragédie chez Gance est portée à son paroxysme, mai n'empêche, c'est de nous que ce film parle, c'est à nous qu'il parle. Il met sur grand écran nos émotions, nos vies et c'est si rare qu'il serait vraiment dommage de passer à côté.