Au début, le rythme est rude : 45 minutes de prolétariat courageux et bosseur qui n'oublie pas de s'amuser. La gaudriole s'adressant indirectement au spectateur pour l'inclure dans les divertissements avec rires et applaudissements enregistrés (si si, déjà comme une sitcom) sur de gentilles chamailleries me touche moyennement. On s'connait ? Pourquoi tant de familiarités ? Cependant, derrière ces moments datés la grâce surgit dans les chansons poignantes sur le désastre de la guerre accompagnées d'images documentaires de villes détruites.
1935 et le film est à peine sonorisé pour ses chansons, une musique partielle, quelques gags et moments forts. Que le son ai mis du temps à s'installer en Asie n'est peut-être pas une mauvaise chose quand on compare le dynamisme de la réalisation de La Route (caméra se déplaçant dans de larges foules en mouvement, différentes valeurs de plans et montage rapide) aux studios américains dont le passage au tout parlant paralysa les méthodes de réalisation et fit régresser la complexité visuelle des films. Ce mélange muet et post-production sonore rend un peu bizarre quand après 10 minutes de silence éclate soudainement dans les enceinte le brouhaha de la foule ou un objet mis en avant.
Hormis ses passages de divertissement datés et d'exaltation nationale-prolétaire, La Route réserve quelques surprises :
Hommes et femmes travaillent durement sur le même plan avec ce raccord du rouleau compresseur au rouleau à pâtisserie, et ces dernières participent au dur terrassement à la fin.
Sa mélancolie déjà citée et une sensualité, voire un érotisme, comme le cinéma de Chine continentale n'en a plus produit depuis. Les jeunes femmes, dont Li Lili coutumière du mini-short, dans les bras l'une de l'autre se tripotent la poitrine gaiement en discutant garçons, puis flirtent avec ces derniers avant de leur faire goûter de la pastèque (Sun Yu a été moins métaphorique dans Les Petits jouets). Les hommes, torse nu en toutes circonstances, s'exhibent dans une scène de nudité intégrale. Et quand le récit prend un tournant aventure, leur chef charismatique se retrouve attaché les vêtements déchirés et subit le fouet lacérant son corps comme une vierge du cinéma d'exploitation 30 ans plus tard.
Le fun commence avec cette deuxième partie pulp. Afin de libérer les hommes kidnappés, Jasmine et Orchidée infiltrent le château du chef local corrompu par les japonais. Donc fouet, combat au couteau, séduction et tromperies jusqu'à l'arrivée de la cavalerie.
La toute fin façon Eisenstein surprend fortement.
Alors que le happy end s'affiche la guerre s'invite à la fête faisant de nos héros une pile de cadavres. Mais courageux comme doivent l'être des chinois, leurs fantômes se relèvent pour continuer le travail dans une belle scène de surimpression et d'exaltation patriotique.