Un père et son fils, pris dans les tourments d'une apocalypse hivernale dont on sait peu de choses, vont tous les deux arpenter "la route", espérant trouver un avenir meilleur en rejoignant la côte. Ils vont devoir composer avec la fuite de tous les bandits qu'ils sont susceptibles de croiser, les dernières richesses qui comptent en ce monde étant les armes et la nourriture, cannibalisme compris.
Le film de John Hillcoat dépeint ici le portrait d'un monde post-apocalyptique d'une manière différente de la plupart des autres films ayant traité le sujet.
Plus sombre que jamais, la nature de l'homme y est exposée avec une violence et un réalisme implacables, jusque dans ses paradoxes les plus pervers, notamment au travers du rôle de Viggo Mortensen, toujours aussi grandiose dans la justesse de ses interprétations.
Ici, l'apocalypse n'est pas un élément déterminant ou majeur du film, ni la clé des motivations des personnages ; elle n'est que la toile de fond d'un parcours profondément désespéré, l'amplificateur de la paranoïa ambiante à laquelle nos deux personnages, et plus particulièrement le père, doivent continuellement faire face.
La force de ce film tient dans sa capacité à ne jamais énoncer au mot à mot ce que l'on est censé comprendre. Pour une fois, les images, les bruitages et les musiques se mêlent sans jamais ressentir le besoin de nous fournir une notice, et font délicatement appel à notre intelligence pour raconter ce qui n'a pas toujours besoin de mots.
Le rapport passionnel qui est décrit entre l'homme et ses souvenirs est réellement touchant. Je me souviens en particulier d'une scène où la simple découverte d'un piano suffit à le briser, même si l'impératif de la survie ne lui en laisse pas beaucoup le temps.
Plus qu'un parcours physique, bien que la faim soit un mal perceptible au jour le jour dans leur chemin de croix, la route est surtout l'occasion pour le père de jauger l'humanité qu'il reste en lui, quelles sont les convictions qu'il continue de porter et quelles sont les autres qu'il décide de barrer d'une croix, au nom de la protection de la chair de sa chair ou de la simple survie.
Le rôle du fils pondère de manière excellente celui de l'homme mûr. Né dans un univers sans espoir, à priori élevé avec un bon sens moral - même si le monde n'en a plus - il incarne l'innocence de l'enfance sans jamais sombrer dans le cliché ou la niaiserie.
Bien que son père soit son ange-gardien incontestable, le fils va parfois se porter en faux contre l'attitude de son père, mettant en lumière la dualité de l'esprit de ce dernier, prêchant régulièrement le sens de ce qui est bien en paroles, pour se faire parfois bourreau dans les actes.
On ressent bien que la santé mentale d'un homme ayant autrefois connu des jours heureux ne peut être aussi solide que celle d'un enfant ayant toujours connu l'horreur, la misère et le manque.
Globalement, le film raconte moins une histoire qu'il ne prête à la réflexion sur ce qui fait de nous des hommes ou des bêtes sauvages. Il est puissant en ce sens que les enjeux, outre la survie autant que faire se peut, n'existent pas. Le monde est sans espoir, il est gris, il est flou, il est froid, il est dangereux, et même si la fin du scénario nous laisse repartir avec un soupçon d'optimisme, on ne peut s'empêcher de penser que tout effort est vain.
Un excellent film, aussi minimaliste dans l'exécution que profond dans les thématiques.
A ne définitivement pas regarder si l'on se sent d'humeur maussade.