Oeuvre sociale (100% spoiler free)
Résolument une oeuvre dense.
Au moment où je rédige cette critique, il m'est difficile de savoir si un angle d'approche est plus pertinent qu'un autre pour commencer à en parler.
The Wire, c'est un corpus de cinq saisons magistrales. Relativement indépendantes sur les thématiques, elles conservent une constante unité de temps et de lieu grâce à une trame de fond immuable (le trafic de drogue à Baltimore et la lutte de la police contre ce phénomène) et au suivi constant de plusieurs personnages à travers l'intégralité de la série.
The Wire, c'est le parti-pris de raconter la vie de Baltimore, et en un sens la vie tout court. Dans toute sa tendresse, son horreur, ses joies, ses peines, son évolution mais surtout son irrévocabilité, le tout marqué au fer rouge dans la lentille d'une caméra implacablement omnisciente.
The Wire, c'est l'accompagnement du spectateur dans toute la réalité des différentes couches sociales d'une ville à criminalité élevée, ainsi que les interactions qui les régissent et les meuvent. C'est le constat permanent d'un système grippé, perverti plus encore par les intérêts carriéristes de quelques personnages trop influents. C'est tout autant la stratégie et l'exercice difficile du pouvoir par les élites intellectuelles que la vie privée de tout un chacun et son impact sur le travail. C'est tout autant les messes-basses entre avocats avant la tenue d'un procès que les pérégrinations déshumanisantes des junkies, courant après le fric nécessaire pour se payer leur prochaine dose.
Rythme lent et parti-pris réaliste à l'extrême : dans The Wire, aucun détail de la vie des protagonistes ne nous est épargné, car toutes les anecdotes relatées ont des répercussions notables. C'est l'illustration continuelle du principe de l'effet papillon.
The Wire, enfin, c'est une histoire intelligente. Pas pour son inventivité, ni pour un scénario incroyable (ce qui est relaté semble malheureusement banal), ni pour ses personnages les plus charismatiques, non. L'intelligence de The Wire réside dans le recul que le spectateur prend nécessairement sur les événements. The Wire est intelligent parce qu'il sait que son public l'est.
Oeuvre grandiose, fataliste en dépit des quelques victoires dont on est le témoin pendant le visionnage, The Wire sait aussi par moment se montrer confiant dans les aspects les plus nobles de la nature humaine. Lutter contre les injustices peut paraître futile, voire inutile tant les mécanismes du système sont si gigantesques qu'ils ne peuvent résolument pas être démantelés par la volonté d'un seul homme. Mais c'est oublier que la persistance et l'abnégation de certains peuvent changer le cours d'un destin, aussi particulier le cas soit-il.
Une fenêtre sur la vie à Baltimore dans les années 2000, rien de plus.
Cette série prouve avec brio qu'un pitch à l'aspect des plus barbant peut dissimuler un diamant brut.
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