La Route des Indes par Olivier Paturaud
Le dernier film de David Lean est un joyau assez méconnu dans sa carrière éblouissante. Adapté (librement) du roman de E.M. Forster (il suffit de comparer avec les productions Merchant-Ivory qui l'ont souvent porté à l'écran pour apprécier la supériorité du film de Lean), il raconte, à partir d'un argument mince, la confrontation entre la société coloniale britannique en Inde et le monde indien qui lui échappe. Le racisme ordinaire est d'abord présenté par le choix délibéré des britanniques de s'isoler physiquement (dans leur cottage à la campagne, dans leurs clubs où sont interdit les indiens et par l'incommunicabilité) tandis que les deux héroïnes du film apparaissent plus ouvertes à l'altérité que leurs compatriotes (ce sera un leurre). Mais le film atteint aussi par moments une dimension quasi métaphysique dans son rapport avec la nature ; Lean oppose en effet les personnages, dont la fragilité de la condition humaine est évoquée à plusieurs reprises, à un décor qui les dépasse totalement. La parfaite adéquation entre le fond et la forme (la photographie du film est exceptionnelle) font de La route des Indes le dernier sommet de la filmographie de David Lean.