Christopher est un homme discret, employé modèle, mal marié à une femme aigrie et sans coeur. Un soir de pluie, il sauve une femme, Kitty, des mains de son agresseur. Elle est belle, jeune et désemparée sur ce bout de trottoir qui en fait est son lieu de travail, ce que l'histoire dévoile par petites touches pour ne pas offenser l'Amérique puritaine des années 40. Christopher en tombe désespérément amoureux sans savoir qu'elle est folle d'un autre, son (proxénète?) Johnny. Tout est là pour entrer dans le ressort du film noir. La passion, la chute, le crime. Christopher est un peintre qui se croit sans talent, mais qui se jette dans la peinture pour oublier les échecs de sa médiocre vie. Il a du talent mais l'ignore et Johnny va vite exploiter ce filon, en vendant avec succès les tableaux du pauvre Chris sous la signature de Kitty. Dès lors, Christopher commence sa descente aux enfers et par amour se laisse voler son identité, son génie, sa dignité, . Il se prosterne aux pieds de Kitty,(scène terrible où il passe du vernis sur ses ongles de pieds) vole son patron pour elle, se laisse écraser pour elle. Il ira jusqu'à la tuer , car elle piétine à jamais son amour par un rire moqueur. Johnny sera accusé du crime par le machiavélisme de l'amoureux bafoué et finit sur la chaise électrique. Les vols à son travail étant découverts, Christopher n'ira pas en prison, il est renvoyé. Il voulait être puni. il offre ses mains aux menottes, en vain. Il est encore dépossédé. Il lui reste la culpabilité, celle d'avoir mérité le châtiment et d'y avoir échappé. Homme transparent il le restera jusqu'au bout, ignoré par une foule indifférente, passant comme une ombre devant la galerie où ses oeuvres sont exposées.
Je n'ai pas vu la Femme au Portrait, je n'ai pas de références à ce sujet par rapport au film. Tragédie d'un homme ordinaire au parcours pathétique, coupable condamné à vivre. "Oreste est libre pour le crime et par delà le crime" disait Sartre, c'est ce que j'ai retenu de ce film noir et cruel, peut-être pas une oeuvre majeure de Fritz Lang, mais qui nous fait réfléchir sur l'innocence, la culpabilité . Même si tout n'est qu' illusion. Magnifiquement filmé entre ombre et lumière, Joan Benett en femme fatale, ah! quelle voix splendide, Edgar J. Robinson pourtant habitué aux rôles de gangster habitant douloureusement son personnage de loser médiocre. Pour moi un excellent moment de cinéma, illustrant parfaitement la course implacable de la fatalité, de la solitude et des rouages du coeur des hommes.

blondedenuit
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le 15 oct. 2015

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