Décidément Capra est un grand cinéaste. La Ruée, qui précède les films qui ont fait sa renommée traite de ses thèmes qui lui sont chers. On pense à Mr smith au sénat ou L'extravagant mr Deeds. Le message en est d'autant plus fort ici, que les acteurs ne sont pas encore les connus et reconnus que sont Stewart et Cooper. A l'instar de L'homme de la rue, on retrouve un cinéma social, une peinture de l'Amérique contemporaine de Capra, tourné quelques années après la crise financière, où la cupidité se le dispute au don de soi. Walter Huston est parfait dans son décalage entre son rôle de patron, et son humanisme à toute épreuve.
Préfiguration de la suite à venir, cette histoire et son déroulement sont jubilatoires, tant dans la mise en scène, passant des uns aux autres avec fluidité et énergie, dans l'effet rebond des situations et des dialogues tout aussi percutants que l'est le rythme effréné, que dans la mise en valeur des décors et des mouvements de foule. Epoque oblige, on aura droit aux grands sentiments et on ne déroge pas à quelques facilités, mais le ton dynamique et la maîtrise de son propos en font une réussite.
Dickson, un directeur de banque en pleine confiance sur sa stratégie humaniste, doit se battre contre son cynique conseil d'administration...En cette période de grande dépression, focus est mis sur la recherche du profit, la responsabilité des uns sur la faillite des autres, et sur le chômage à venir. Un conflit poli entre le conseil déconnecté de la réalité et Dickson qui n'aura de cesse d'épauler ses clients, de faire travailler le capital plutôt que de thésauriser, et nous fait rêver d'avoir un directeur de cette trempe, Le soutien indéfectible d'un employé en particulier, nous projette, lui, dans une autre dimension. La crise financière ayant ses retours de manivelle pour les plus audacieux, un cadre, particulièrement fourbe -et étonnamment tombeur de ces dames- contracte une dette de jeu auprès de gangsters, qui décident de se rembourser en prévoyant le hold-up de la banque, aidé par l'homme lui-même.
Mais les rumeurs de la faillite de la banque,- mises en exergue par un montage rapide de scènes téléphoniques rend bien compte de l'effet boule de neige, générant la panique de la population -serviront les manipulations du conseil à destituer Dickson et en parallèle, nous plonge dans un monde idéal où les valeurs humaines prennent une dimension exacerbée, et où hommes et femmes feront bloc autour de leur directeur, quand la population viendra retirer leur épargne.
Le désarroi d'une société au sortir de la crise de 1929 donnera lieu à cette fameuse Ruée sur la banque, dans le brouhaha incessant et particulièrement bien filmée, avec en point d'orgue, la course contre la montre à trouver des soutiens financiers, au rythme encore plus effréné. Se rajoute pour ce drame teinté de comédie, les situations plus intimes, où l'investissement au travail se répercute sur la vie de couple, la nécessité d'un emploi bien rémunéré pour pouvoir convoler en justes noces,. C'est la foi dans l'homme que Capra nous met en scène. Des personnages en butte contre le pouvoir luttant en leur âme et conscience, à la moralité sans faille. L'américain moyen devient le héros des grandes causes, et les discours exprimés avec force du verbe, engagent aussi et surtout, aux actes à suivre.
A voir certainement.