Un film sans véritable morale, qui mise sur une reconstitution évocatrice de la vie de l'Ouest et sur de l'action. Avec Randolph Scott jeune (il a une voix toute fluette et des moustaches à la Eroll Flynn !), une actrice principale qui joue comme une savate, des cascadeurs qui font des cascades impressionnantes, de fort beaux extérieurs de montagne, un noir et blanc influencé par l'expressionisme allemand. Un rythme un peu étrange aussi, toujours cette période déroutante de transition entre muet et parlant, avec des visages encore très expressifs, des gestes assez violents, mais des dialogues qui font assez "scène d'exposition".
L'histoire est assez cousue de fil blanc. Le point de départ, c'est le milieu des chasseurs de bison. Ils vivent en équipe, et l'un d'eux, Jett, a une femme jalouse et dépouille ses petits copains pour vendre les peaux de bison qu'ils ont fait séché. L'autre équipe est composé d'un barbu rigolo à la W. Brennan, d'un père autoritaire et du jeune premier (Randolph !), qui est évidemment amoureux de la belle-fille de Jett. Il tente de l'enlever, se fait démolir. Puis les événements de la chasse suivent leur cours : troupeau de bisons au galop menaçant le petit convoi, guerre indienne qui couve. Le dénouement est assez bâclé : Jett est tué accidentellement par sa femme ; le convoi des héros est entouré par les Indiens, mais sauvé, non pas par la cavalerie, mais par un gros convoi de colons.
On retrouve la patte d'Hathaway, avec cette violence sèche, pas démonstrative, mais dotée d'une dose de folie. Quand Scott se fait démolir, ses adversaires mettent tout le poids de leur corps au bout de leur poing, et ça se sent. Idem, pour enlever sa bien-aimée, enfermée dans un chariot, il coupe la toile de celui-ci, mais plus comme le ferait un voleur qu'à la Eroll Flynn. Les accidents de chariot, et de manière générale les cascades près des bisons au galop sont également très impressionnants. C'est aussi un film assez individualiste, peu tourné vers la notion de communauté si on le compare avec un Ford.
Il y a une volonté documentaire, qui marche bien : les chasseurs réparent la roue d'un chariot, découpent des peaux et la font sécher, font une sieste dans le chariot, et... Scott découpe un jambon au coutelas !
En l'état, le film fait tout de même sourire. Parce que les scènes spectaculaires ont visiblement été tournées par une 2e équipe, dont le matériel est assez flou et passé sur un temps de pause plus lent. Résultat, les scènes de cascade sont en accéléré, à la Benny Hill.
Quant à la représentation des Indiens, si les figurants sont en effet de vrais Indiens et non des Hispaniques teints en rouge, et si quelques remarques fournissent un contrepoint (les Indiens ne tuent que pour se nourrir, quand les yankees massacrent dans les 15 000 bêtes ; on les voit écoeurés par les squelettes de bison), ils restent vus comme une altérité radicalement différente, susceptible de basculer dans la sauvagerie. J'en veux pour preuve le montage parallèle, durant la bataille finale, montrant un Indien houspillant une femme blanche tandis que son jeune fils, effrayé, regarde de tous côtés : le montage est fait pour qu'on se sente soulagé quand le vilain peau-rouge est assommé d'un coup de casserole. Rien à voir avec la volonté de comprendre d'une "Flèche brisée".
L'un dans l'autre, sans être un chef d'oeuvre, c'est un bon divertissement : les scènes d'action et les extérieurs font oublier la faiblesse du scénario.
Vu à la cinémathèque avec cette chère Longjanesilver.