Quand Chaplin transforme la tragédie en comédie

En 1923, son contrat avec la First National est achevé. Chaplin est enfin libre de produire lui-même ses films grâce à la United Artist dont il est le co-fondateur avec Douglas Fairbanks, Mary Pickford et D. W. Griffith. Il a désormais le contrôle total sur ses œuvres. La ruée vers l’or est sa première réalisation dans laquelle il joue, après L'Opinion publique dans lequel il ne faisait qu’un caméo.


Dans ce film, le vagabond est un prospecteur solitaire. Comme tant d’autres, il s’est rué en Alaska pour y trouver de l’or. Dans un premier temps, il n’y trouvera que le froid, la faim et sa solitude habituelle. Son apparition est surréaliste, il marche dans la haute montagne, de son pas caractéristique, avec sa tenue reconnaissable entre toute, totalement inadaptée au milieu hostile qu’il traverse. Mais cela ne semble pas être un problème, il se déplace avec aisance au bord d’un précipice sur un chemin gelé, sa canne à la main, sans souci du danger et de l’ours qui le suit. Séquence tellement représentative du personnage du vagabond qui traverse cette vie sans en être vraiment. Après de nombreux rebondissements, il va trouver ce qu’il cherchait et bien plus que cela.


Chaplin raconte comment il eut l’idée de réaliser La ruée vers l’or :



Je lus un livre sur l’histoire du convoi de Donner qui, en route vers la Californie, s’était trompé de chemin et avait été bloqué par les neiges dans les montagnes de la Sierra Nevada. Sur cent soixante pionniers, dix-huit seulement survécurent, la plupart des autres étant morts de faim et de froid. Certains allèrent même jusqu’au cannibalisme, mangeant leurs morts, d’autres firent rôtir leurs mocassins pour apaiser leur faim.



Chaplin tourne cette tragédie en comédie. Et voilà comment il le justifie :



Dans la création d’une comédie, c’est paradoxal, mais la tragédie stimule le sens du ridicule ; parce que le ridicule, sans doute, est une attitude de défi : il nous faut bien rire en face de notre impuissance devant les forces de la nature… ou bien devenir fou.



C’est ainsi qu’il tourne l’une des scènes les plus comiques du film. Celle dans laquelle il déguste avec son compagnon de malheur, l’une de ses chaussures qu’il a faite bouillir au feu auparavant. Les lacets deviennent des spaghettis qu’il enroule à la fourchette, et les clous, des os délicieux qu’il suce avec délice. La chaussure était faite en réglisse. Chaplin, perfectionniste, fit tellement de prises de cette scène que 20 chaussures furent nécessaires.


Pour réaliser ce film, Chaplin se donne des moyens d’envergure. L’équipe se rend à plus de 3000 mètres d’altitude dans les montagnes enneigées de la sierra Nevada. Pour la scène d’ouverture il fait creuser un sentier de 700 mètres qu’empruntent 600 figurants. Cela donne lieu à de très beaux plans. Mais la météo est tellement épouvantable, qu’ils doivent se rabattre sur Los Angeles pour tourner la suite en studio.


The Gold Rush est bourré de scènes pleines de trouvailles comme : la danse avec le chien, la danse des petits pains, la maison suspendue à moitié dans le vide. Autant de séquences, pleines d’humour et d’émotion, dans lesquelles Chaplin déploie son talent de mise en scène.


The Gold Rush est l’un des plus grands succès de Chaplin. L’un de ceux où son art de tourner la tragédie en comédie est le plus éclatant.

abscondita
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le 25 mars 2022

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abscondita

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