Quoi de mieux, quand le temps s’y prête, que de se plonger dans un bon vieux film d’époque et de retrouver la magie du cinéma telle qu’elle rayonnait dans sa prime jeunesse ? J'ai une profonde admiration pour l’œuvre et le personnage de Buster Keaton, mais nul doute que celle-ci l’est presque autant envers Charlie Chaplin. Si on le connaît surtout pour ses chefs d’œuvre Les Temps Modernes (1936) et Le Dictateur (1940), l’acteur-réalisateur fut à l’affiche de plusieurs longs-métrages de grande qualité, à partir de la fin des années 1910 avec des films tels que Charlot Soldat (1918), puis tout au long des années 1920 avec Le Kid (1921), et le film dont il est question aujourd’hui, La Ruée vers l’Or, que j’ai eu l’occasion de découvrir il y a quelques mois de cela.
Maître dans l’art du rire, Charlie Chaplin ne fait pas ici exception en faisant de nouveau briller son immense talent. Si une version commentée par Chaplin lui-même, et partiellement sonore, a été éditée en 1942, il est vivement conseillé de jeter votre dévolu sur la version muette de 1925. Car le muet décuple la beauté du film, le rendant encore plus poétique et mélancolique. Le film se scinde en deux parties distinctes : la première se déroule principalement dans un petit refuge en proie aux éléments, et la seconde partie se concentre sur la quête désespérée de Charlot, épris de Georgia, danseuse du saloon du village.
Ce découpage permet ainsi à Chaplin d’associer ce qui fait tout le charme de son œuvre, entre burlesque et émotion, gags et poésie. La première partie est donc rythmée par des gags tous plus inventifs que les autres, où le comique parvient à exploiter un nombre incalculable de ressorts humoristiques dans un espace clos. Le refuge, abri fixe et immobile, se mue en une plaque tournante où les personnages se heurtent, sont balayés par le vent, affamés à en manger des chausseurs. La seconde partie, elle, fait de Charlot ce pauvre bonhomme sans le sou, moqué par tous, dont on espère sincèrement le triomphe final.
Si tous les longs-métrages de Charlie Chaplin méritent le coup d’œil, La Ruée vers l’Or est un des films les plus représentatifs de son style et de son œuvre. Avec toute la légèreté qu’il incarne, la précision millimétrée et la fluidité de ses mouvements chorégraphiés, Charlot est un personnage intemporel, brave, joyeux, toujours victime du mauvais sort, mais toujours vainqueur à la fin. De cette époque nous ne gardons que de vieilles images tremblantes et usées, mais pourtant, les étoiles n’ont pas fini de briller dans nos yeux, et jamais la poésie n’a semblé aussi proche du cinéma.