Drôle d’expérience que ce voyage à mille lieux sous la mercantilité de nôtre quotidien.
L’alchimie provoquée par l’intrusion de cet homme asphyxié, en pleine crise avec son univers terrestre, dans cette enivrante bulle aquatique, revêt bien plus de valeur qu’un fastidieux voyage sur Pandora.
A l’image de ce plongeur sans néoprène, la froideur de ce monde étranger et l’absence de repères nous demandent un certain temps d’adaptation. La beauté surnaturelle de cette foret de Kelp n’empêche pas de ressentir un certain malaise : face à cette nature s’installe un sentiment de profonde vulnérabilité. Ce sentiment oublié depuis que l’homme s’est dûment approprié chaque parcelle de terre où il pouvait respirer, revient au galop dans le seul endroit où il n’a pas totalement pied, un cadastre oublié.
A nouveau, l'homme retrouve sa maladresse juvénile, sa modestie contemplative, comme à l’époque ou il n’avait pas encore la prétention de tout pouvoir légiférer, organiser. Sans son exosquelette de brume, ses oeillères de bitume, il observe le monde dans son harmonie la plus parfaite et comprend un peu plus profondément ce que peut représenter la vie, ce mélange d’innocence et de cruauté, qui se passe étrangement de toute morale pour briller.
Cette vie elle se résume au rythme effréné de cette pieuvre, qui pendant les 365 jours de son passage sous mer, nous éclabousse de sa vitalité. Son ingéniosité naturelle lui permet certes, de survivre, mais surtout de tenir modestement son rôle dans cet écosystème où chaque être est en équilibre, sur le fil de son existence.
Loin de la complexité maladive que s’inflige l’humain dans ses rapports outranciers avec le monde, cet univers primitif, encore préservé de ses filets, en devient une véritable thérapie, un retour aux sources. Ce flash temporel où durant une vie entière il n’aura pas prit une ride, permet finalement à ce plongeur en mal de vivre de prendre conscience du caractère éphémère de l’existence. C’est finalement par une décentralisation du regard qu’il peut à nouveau se sentir à sa place.