İlker Çatak tire à boulets rouges sur l’école, indistinctement, dans toutes les directions et avec un grand dédain pour l’institution, une méchanceté gratuite et un inquiétant manque d’empathie. Elle est, il est vrai, loin d’être parfaite, mais une telle vision négative englobant tous ses principaux représentants manque de nuance.

Avec ce huis clos angoissant, dont I. Çatak ne nous fait volontairement jamais sortir, le cinéaste se rapproche clairement du théâtre en enfermant son intrigue dans l’unité de lieu d’un collège allemand et prend le parti de jouer presque exclusivement la note du drame et du conflit – à la manière du cinéma du Dogme95. Sobriété formelle se voulant expressive, en prise avec un réel direct, style vif, nerveux et brutal, il s’inspire fortement de ce courant aux films troublants, choquants, crus, scabreux, dérangeants desquels le spectateur sort soit purgé de ses émotions, soit avec une haine implacable contre l’humanité. De La salle des profs, d’aucuns seront sortis révoltés contre l’institution et tous ses membres – d’autres, dont je fais partie, déçus par cette avalanche d’idées reçues, de manipulations du réel, d’excès et d’invraisemblances. Dans quelle école de telles situations se produiraient-elles ? Certes certaines situations se rapprochent du réel, toutefois le cinéaste les détourne à son avantage pour ridiculiser sa proie pour laquelle il n’éprouve la moindre pitié – plutôt une sorte de hargne revancharde, lui à qui, ainsi qu’à ses camarades garçons, trois professeurs ont demandé d’ouvrir le porte-monnaie sur la table. Son sarcasme fielleux envers la bien-pensance, la tolérance et compréhension excessives d’un côté et l’autorité abusive de l’autre, se trompe de cible à nos yeux et oublie les vrais problèmes à régler. Par ailleurs, la fin du film, qui dénonce l’enfant-roi, ou plutôt l’apprenant au centre de l’enseignement (en non plus le professeur comme avant ou le savoir plus tard) comme l’a décidé l’évolution de la pédagogie, va plutôt à rebours du reste du film et devient de ce fait incohérente.

Un film à charge sans argumentation pertinente.


Marlon_B
6
Écrit par

Créée

le 15 mars 2024

Critique lue 15 fois

Marlon_B

Écrit par

Critique lue 15 fois

D'autres avis sur La Salle des profs

La Salle des profs
Yoshii
7

Claustrophobie scolaire

Par opposition à la douceur du regard lumineux de Leonie Benesch, "La salle des profs" diffuse le sentiment d'une œuvre un peu âpre, assez difficile à apprécier. Empruntant le chemin du (demi) polar...

le 4 mars 2024

35 j'aime

3

La Salle des profs
Sergent_Pepper
7

Tableau d’une accusation

Il est toujours plaisant de voir un film allemand se frayer un chemin jusqu’à nos salles, signe d’un succès outre-Rhin assez rare. La salle des profs, en écho aux tensions communes vécues par la...

le 7 mars 2024

29 j'aime

La Salle des profs
AnneSchneider
8

L’éducation confrontée à ses propres contradictions

La façon dont une société éduque ses enfants en dit long sur elle-même et Platon l’avait déjà parfaitement compris, qui déclarait : « Lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et...

le 3 mars 2024

23 j'aime

24

Du même critique

Call Me by Your Name
Marlon_B
5

Statue grecque bipède

Reconnaissons d'abord le mérite de Luca Guadagnino qui réussit à créer une ambiance - ce qui n'est pas aussi aisé qu'il ne le paraît - faite de nonchalance estivale, de moiteur sensuelle des corps et...

le 17 janv. 2018

30 j'aime

1

Lady Bird
Marlon_B
5

Girly, cheesy mais indie

Comédie romantique de ciné indé, au ton décalé, assez girly, un peu cheesy, pour grands enfants plutôt que pour adultes, bien américaine, séduisante grâce à ses acteurs (Saoirse Ronan est très...

le 18 janv. 2018

26 j'aime

2

Vitalina Varela
Marlon_B
4

Expérimental

Pedro Costa soulève l'éternel débat artistique opposant les précurseurs de la forme pure, esthètes radicaux comme purent l'être à titre d'exemple Mallarmé en poésie, Mondrian en peinture, Schönberg...

le 25 mars 2020

11 j'aime

11