Très déçu par ce film, dont j'attendais beaucoup. C'est avant tout un monceau d'incohérences.

ATTENTION ENORMES SPOILERS!

Tout d'abord, on a une voleuse qui fait les poches des vestes restées dans la salle des profs, sans que personne ne remarque rien, ce qui est déjà surprenant. Elle vole de l'argent, mais elle ne touche pas à l'ordinateur qui la filme, posé juste devant. Pourquoi voler l'argent, mais laisser l'ordinateur? Ben, parce qu'il faut qu'il y ait une histoire! Si elle avait pris l'ordinateur, pas de preuve de vol, donc pas de film. Et je m'interroge vraiment sur la santé mentale de cette enseignante, qui se dit qu'elle va laisser traîner sa veste avec son portefeuille dedans comme appât, et qui pas un instant ne se dit : Ah oui, mais ils peuvent prendre l'ordinateur aussi!!

Là où ça devient drôle, c'est que, comme par hasard, l'ordinateur ne filme que la manche de la voleuse, et pas son visage. Cela ne change pas grand chose, le vêtement de la voleuse étant bien reconnaissable. Toutefois, ça laisse l'occasion à la voleuse de nier, en prétendant que d'autres personnes dans le lycée peuvent porter le même vêtement!

Mais attendez, ce n'est pas tout. Comme par hasard, la voleuse a son fils dans l'établissement. Et, mon dieu quel alignement des étoiles, il est précisément dans la classe de l'enseignante qu'elle a volée. Il y avait une chance sur 1000, mais le réalisateur veut absolument envisager les événements les plus improbables, je ne sais pas pourquoi.

Ajoutons que l'enseignante en question est nouvelle dans l'établissement, et assez mal intégrée parmi ses pairs. De plus, elle a des idées assez iconoclastes sur la pédagogie, qui vont la conduire à subir deux vols, une agression et de nombreuses accusations sans réagir. Ah si, elle s'excusera, ben oui, tout ce qu'elle subit c'est de sa faute, dans un monde où on s'empresse de criminaliser les victimes. Avec un enseignant à peu près normal, qui constitue 90% du corps de ce métier, rien de ce qui se passe dans le film ne serait arrivé.

Un mot sur ce moment extrêmement malaisant où on pousse deux délégués de classe à dénoncer un camarade, dans quel monde une telle forfaiture est possible? Et après, on intervient en classe en plein milieu du cours, pour fouiller les élèves! Le plus dingue, c'est que, juste avant la fouille, on fait sortir les filles! Pourquoi cette mesure sexiste? Aucune explication. Et le pauvre gamin qui, par aventure, avait une certaine somme d'argent sur lui, se retrouve accusé sans aucune preuve. Le personnel ne s'est-il pas renseigné sur les vols? Si ceux-ci ont eu lieu en salle des profs, comment cela peut-il être l'oeuvre d'un élève? Incohérence totale, là encore.

Par la suite, on ne sait pas vraiment pourquoi, mais tout le monde se ligue contre la pauvre enseignante, sans que celle-ci ne réagisse un instant. Au contraire, elle défend son agresseur, allant jusqu'à mentir pour le sauver, en prétendant que le coquard qu'il lui a mis provient d'une chute. Pourquoi ce mensonge? Pourquoi l'enseignante s'acharne-t-elle à défendre des voleurs et des agresseurs? L'impunité totale comme projet pédagogique? Ou un syndrome de Stockholm mal géré? Aucune explication là-dessus. Enfin, le gamin qui clame depuis le début que sa mère est innocente se met à voler l'ordinateur qui contient précisément la preuve du vol. Et personne ne pense à lui dire que s'il vole une preuve, cela démontre qu'il sait que sa mère est coupable. J'adore la course-poursuite entre le gamin et l'enseignante, et ce moment si bien amené où le gamin arrive sur un pont juste au moment où elle le rattrape, ce qui lui permet de détruire l'objet de l'accusation. L'enseignante, décidément un peu cruche, n'avait pas pensé à envoyer la preuve sur le cloud, apparemment.

Je passe sur la réunion improbable où on gère un gamin qui a détruit une porte et volé un ordinateur. La sanction est bien légère, il ne faut pas s'étonner qu'il y ait autant de débordements avec un tel laxisme. Dans tous les établissements que j'ai personnellement fréquentés, les gamins qui détruisaient sciemment le matériel étaient exclus sans ménagement, encore heureux.

Cela dit, je n'ai rien contre les films qui racontent des événements complètement improbables, mais qu'on ne vienne pas me dire après qu'ils veulent montrer quelque chose du monde qui nous entoure. Cette Salle des profs qui nous est montrée, elle n'existe pas dans le monde réel, elle ne sort que de l'imagination un peu tordue du réalisateur. De plus, elle est assez malsaine, aucun personnage n'agissant de façon logique, cela bloque totalement toute espèce d'empathie.

A la fin, on ne sait pas si on doit plaindre la pauvre enseignante, ou si elle n'a pas provoqué tout ce qui lui arrive, par son refus de porter plainte pour vol, et son acharnement à excuser cet enfant malfaisant. En tout cas, si elle n'avait pas voulu coincer la voleuse avec son stratagème stupide, rien de tout cela ne serait arrivé. Le plus simple est bien de ne pas laisser traîner les objets auxquels on est attaché, si tout le monde était un minimum prudent, cela nous éviterait les traumatismes montrés dans ce film, bien pires que les petits larcins sans conséquence commis par une femme certainement un peu dérangée.

Shimura
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le 16 mars 2024

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