Ah ! Les profs... Toujours en grève ou en vacances, vous dit-on, alors même que les plus critiques ont finalement calqué leur calendrier sur celui de l'année scolaire... Mais nous ne sommes plus à une contradiction près...
Pas sûr qu'après avoir s'être glissé dans cette Salle des Profs germanique, l'on enviera encore leurs vacances, leurs dix-huit heures par semaine de travail (sourire très ironique) et leur grève perpétuelle.
Parce que ce qui se noue outre-Rhin ressemble furieusement à ce qui se passe en France.
En forme de thriller irrespirable prenant sa source dans le soupçon et les non-dits, dans le clash entre les bonnes intentions et la réalité du terrain.
En forme de mise en scène d'une jeune prof de bonne volonté et intègre dans l'oeil du cyclone, dans une école comme lieu d'angoisse et de délation faisant écho au noir passé du pays.
En oscillant entre les places de victime et de bourreau avec cette héroïne du quotidien, que la caméra alerte de Ilker Catak ne lâchera finalement jamais, nous perdrons nos repères et nos certitudes en même temps qu'elle à mesure que l'atmosphère se tend et que le vernis du système se craquelle.
Ce microcosme mis en scène de manière réaliste semble animé à la fois par un jeu cruel instillant le malaise permanent ainsi que par toutes les maladresses possibles, les jugements à l'emporte-pièce et autres accusations sans preuves propices à tous les affrontements, surtout ceux qui font froid dans le dos. D'autant plus s'agissant d'un élève dont on ne peut que partager la détresse dans un premier temps, avant que celui-ci ne mue en un petit démon froid et irrécupérable.
Ainsi, le collège de La Salle des Profs se transforme en véritable prison soulignée par le format de l'image, traversée par tous les clivages, microcosme en pleine implosion, à l'image de toute une société marquée par les affrontements, l'incompréhension mutuelle et la défiance envers l'autorité.
Et même si le film s'abîme un tout petit peu dans sa dernière ligne droite, tant son personnage principal pourra sembler par trop humaniste et prompt à excuser certains comportements, il ne perd cependant jamais de sa force ou de sa portée. Car cette Salle des Profs allemande à tout d'une fenêtre sur cours que l'on pourrait aisément ouvrir sur la France, l'Europe, voire sur le monde occidental dans son entier, ou encore sur un monde politique et social déchiré.
Et dans n'importe quel axe où l'on pourrait placer sa focale, on ne peut s'empêcher d'avoir peur, tant Ilker Catak va jusqu'au bout de son discours et choisit d'en illustrer, jusque dans les dernières secondes de son film, toutes les impasses.
De sorte que la sonnerie de fin des cours ressemble furieusement à un sacré signal d'alarme.
Behind_the_Mask, qui attend les prochaines vacances pour se remettre de la rédaction de ce billet...