La Science des Rêves revêt des allures de bric-à-brac de l'imaginaire, comme la vie de Stéphane Miroux, son personnage principal. Comme sa chambre dans les premières minutes du film, avec ses étagères encombrées et ses bricolages enfantins.
Comme dans son travail, avec les colonnes Vendome des dossiers, ses collègues légèrement foutraques, mais où la créativité semble contrariée. Elle reprend le dessus dans les rêves de Stéphane, dans son studio d'enregistrement fait de bric et de broc, les murs faits de boîtes à oeufs et les caméras de carton. Il y tient tous les rôles : présentateur, réalisateur, producteur, musicien, cuisinier... Le rêve contamine peu à peu la réalité quand Stéphane rencontre Stéphanie. Les mêmes étagères encombrées, les mêmes cartons que dans son studio de diffusion mental aux rideaux de maison de poupées.
Ces deux là sont à l'évidence sur la même longueur d'onde tant ils se ressemblent. Et les décors s'animent soudain, issus des bricolages de l'enfance des après-midis récréatifs devant Claude Pierrard et Croque Vacances. Une douce folie s'empare ainsi de la pellicule, là où l'eau n'est plus liquide mais plastique. Où une collègue de travail se cache dans la baignoire, où les lettres d'amour maladroites s'écrivent toutes seules sur des machines à écrire dotées de vie et de ce qui ressemble à de longues pattes d'araignées velues. Et les villes s'y construisent et prospèrent en tubes de carton.
La vie rêvée de Stéphane Miroux est une vie aux accents poétiques et un brin innocents où tout paraît possible, comme faire de la musique en costume d'ours. Ou de chat, peut être. C'est une vie où l'on choisit de s'affranchir des codes, mais c'est un monde où il est plus facile d'animer un oiseau bleu en tissu et de le faire chanter que de susciter l'amour de l'être aimé.
C'est dans la réunion de créativités anarchiques, de jeux sur des inventions naïves et fantasques que les deux tourtereaux qui s'ignorent s'apprivoiseront. Sur un télésiège fait main, puis au sommet d'une piste de ski cotonneuse. L'association subliminale des idées fera que Stéphane se réveillera les pieds dans son freezer, comme si son imagination le soumettait à des crises de somnambulisme parallèles, comme les enfants en bas âge.
Le poney de Stéphanie prend vie et s'ébat, la crinière de laine animée par le vent des notes du piano désaccordé, avant de céder la place à une voiture en carton au volant de laquelle Stéphane s'écrasera sur le mur de la jalousie.Si seulement il pouvait voir qu'elle l'aime.
Michel Gondry est un poète du petit rien et de l'idée décalée, de la récupération inventive, de la création farfelue et de la bienveillance du regard porté sur les fantasques et les étrangers au monde réel. De tout ce qui permet d'échapper à une réalité trop morose pour y confronter les aspirations artistiques quelles qu'elles soient. Il accole à ce festival de l'imaginaire une histoire d'amour sensible dont les embûches réelles naissent de ce que ressent son couple vedette. La Science des Rêves exalte la simplicité enfantine, un peu hors du temps, l'insatiable créativité volcanique et la mélancolie douce que l'on ressent quand les êtres chers s'éloignent.
Si seulement notre vie pouvait être aussi simple et belle que celle, rêvée, de Stéphane Miroux...