Après avoir vu le dernier film de Desplechin, purge gâteuse et nombriliste, je découvre son premier long-métrage.
Qu'il doit porter comme sa croix, car c'est à mon sens impossible qu'il puisse faire mieux après ça.
Contrairement à beaucoup, je trouve ce film bien au-dessus de Comment je me suis disputé (filmer le normalien et ses élucubrations sentimentales et sexuelles est plus casse-gueule, d' ailleurs je pense que ça a fini par perdre Desplechin, qui nourrit de toute évidence un complexe vis-à-vis de l'ENS, son prestige intellectuel, son soufre et son importance dans la mythologie germano-pratine) et Trois souvenirs de ma jeunesse. Je suis impressionné par la radicalité du projet, presque bressonienne, sa richesse thématique qui permet au film d'être au croisement de tous les genres cinématographiques, sa précision de la sociologie des corps d'Etat et de ses enfants à qui il donne vie pendant plus de deux heures. Et il faut quand même une grande habileté, une grande sensibilité et une grande intelligence, pour rendre palpitantes, tout en conservant un naturalisme extrêmement rigoureux, les péripéties d'une caste aussi immiscible à la société et peu cinégénique que celle des énarques, médecins, diplomates et rejetons de diplomates.
Et la grande force de ce film, par rapport à d'autres peintres fascinés de la grande bourgeoisie comme Mouret, c'est qu'il n'oublie jamais, malgré ce milieu, la présence des corps et l'irruption des conditions matérielles de vie.
Grand film, assurément.