Quand on parle des grands films d'épouvante et d'horreur tendance religieuse et démoniaque on oublie très souvent, et injustement, La Sentinelle des Maudits de Michael Winner sorti en 1977. Pourtant avec son casting digne d'une cérémonie des Oscars, son ambiance anxiogène à la Polanski, son final éprouvant et son parfum de scandale, le film du réalisateur de Un Justicier dans La Ville n'a pas grand chose à envier aux plus grands classiques du genre.
Le film nous raconte l'histoire de Allisson une jeune femme mannequin et top modèle qui souhaite s'installer seule dans un appartement malgré sa liaison avec son petit ami avocat lequel préférerait une vie de couple. La jeune femme fragilisée par la mort de son père et le reflux de souvenirs douloureux emménage dans un meublé au cœur de New-York avec au dernier étage un prêtre aveugle et immobile qui passe l’intégralité de son temps posté à la fenêtre et de biens étranges voisins.
L'ambiance générale du film et sa mécanique qui fait surgir l'étrangeté du quotidien rapproche La Sentinelle des Maudits des premiers films de Polanski comme Rosemary's Baby et Le Locataire. Cette jeune femme moderne et indépendante semble ainsi devenir de plus en plus fragile et malade à mesure qu'elle fréquente cet endroit rempli de voisins d'une bien inquiétante hospitalité d'autant plus que la nuit elle entend des mouvements dans l'appartement vide juste au dessus de chez elle. Allison est également de plus en plus sujette à des évanouissements et des cauchemars qui mettent en scène son père décédé autoritaire et libidineux. Le film jouera donc beaucoup sur le décalage et l'étrangeté mais aussi sur le doute et la suspicion concernant la folie présumée de son héroïne. Même si le film s'offre quelques débordement d'horreur plus graphique, l'ambiance est plutôt à l'étrangeté et au malaise comme lorsque la jeune femme se présente amicalement à ces nouvelles voisines et que devant une tasse de café en toute tranquillité l'une d'entre elle commence à se masturber sans la moindre pudeur. Allisson sera également l'invité surprise d'une fête un petit peu oppressante autour de l'anniversaire d'un chat. L'ambiance n'est donc pas très démonstrative mais à la singularité et aux décalages perturbants. Tandis que Allisson sombre doucement et tente de trouver refuge dans la spiritualité, son petit ami essaye quant à lui de comprendre ce qui se passe d'autant plus que Allison et le vieux prêtre sont en réalité les seuls habitants de l'immeuble.
La Sentinelle des Maudits est un film qui s'appuie sur un casting assez exceptionnel, surtout pour un film de genre, à tel point que l'on trouve des stars y compris chez les figurants et les rôles de troisième et quatrième plan. Le film regroupe tout de même Ava Gardner, John Carradine, Arthur Kennedy , Eli Wallach, Jerry Orbach, Martin Balsam, Burgess Meredith, Christina Raines, Christopher Walken, Beverly d'Angelo et Jeff Goldblum avec en plus des figurations de Tom Beranger et Richard Dreyfuss. Ce sont pourtant d'autres acteurs totalement inconnus qui feront beaucoup parler de La Sentinelle des Maudits puisque pour illustrer sa vision de l'enfer le réalisateur ira chercher pour interpréter les "monstres" de son film des personnes handicapées, engagées dans des hôpitaux et des fêtes foraines. De véritables Freaks à la Tod Browning que le réalisateur mélangera à des acteurs maquillés par Dick Smith pour un final aux visions assez terrifiantes et cauchemardesques. Cette utilisation de personnes difformes, handicapés et malade provoquera quelques polémiques et critiques y compris sur le tournage où certains membres de l'équipe refuseront de manger aux côtés de ses singuliers figurants. Des polémiques qui deviendraient sans doute un bon gros scandale médiatico-numérique aujourd'hui tant notre époque est toujours prompt à surinterpréter les intentions et symboliques et qu'elle ferait immanquablement choux gras d'un réalisateur plaçant le handicap comme vision de l'enfer.
Thriller surnaturel angoissant traversé de rares mais marquantes fulgurances gore, La Sentinelle des Maudits distille un délicieux poison inconfortable jusqu'à son final cauchemardesque aussi grotesque que dantesque. Définitivement un des classiques du cinéma de genre des seventies.