La sociale est un documentaire dont le caractère se veut avant tout pédagogique. D'une durée plutôt courte (moins d'une heure trente) et construit comme les précédents films de Gilles Perret, il prend d'abord la forme d'une enquête sur les origines de la sécurité sociale (et accompagne l'un des derniers survivants qui l'ont mise en place), puis conclut sur les tentatives - de ces trois dernières décennies - de remise en cause de l'esprit (solidarité plutôt que charité) du projet initial, issu du Conseil National de la Résistance. En cela, le film a le mérite de démonter un certain nombre d'idées reçues (ou disons de vérités révélées par les médias).
Première idée reçue : ce n'est pas le gaulliste Pierre Laroque, même s'il y a contribué, qui est le père de la sécurité sociale, mais plutôt celui qui était Ministre du Travail en 1945, le communiste et cégétiste Ambroise Croizat. Et ce sont des militants CGT qui en quelques mois, ont mis en place toute l'infrastructure qui lui a permis de fonctionner. Intéressant de voir que dans l'école nationale qui forme les futurs cadres de la sécu, il y a un amphi Pierre Laroque, avec un panneau qui présente la bio du personnage, mais qu'il n'est nulle part fait mention de Croizat. Franchement hilarant de voir un récent ex-ministre du travail, interviewé, qui cite Laroque et oublie Croizat.
Seconde idée reçue : remplacer la sécu par des assurances privées ou des mutuelles est une idée moderne. Ben non, il s'agit là simplement de revenir à quelque chose qui ressemble au système qui existait avant 1945. Où l'usager (qui deviendrait un client) paierait non plus selon ses moyens, mais selon ses besoins. Ou comment une idée rétrograde se voit parée, par on ne sait quel tour de passe-passe, d'une aura moderniste...
Troisième idée reçue : le secteur privé est plus efficace qu'une institution publique. Là, c'est le simple bon sens : la sécu est une organisation bien plus grosse qu'une société privée et peut faire des économies d'échelle sur ses frais de gestion, qui s'élèvent à 6% de son budget. Contre 25% en moyenne dans les assurances santé privées, ces 25% incluant il est vrai, en sus de la simple gestion, les frais de publicité et de marketing ainsi que les dividendes des actionnaires lorsque l'organisme est à but lucratif.
Ce documentaire est simple, il est bien fait. Il est certes engagé, mais il est salutaire, en ces temps d'incertitude, d'aller le voir. On est nombreux dans ce pays à avoir toujours connu la sécu, et lorsqu'elle aura été réduite à rien, il sera trop tard pour pleurer.