D'après le roman éponyme de Paolo Giordano, jeune auteur de 26 ans, Saverio Costanzo a tiré une oeuvre dense et riche qui plonge au plus profond des traumatismes de l'enfance liés à la famille, à la pression terrible que consciemment ou pas elle exerce sur de jeunes êtres qui, et c'est le cas, vont en rester marqués à vie.


Alice était une poupée blonde, adorable enfant aux yeux d'azur, sensible et rêveuse, admirée et adulée de tous jusqu'à ce que l'orgueil sans bornes d'un père et son autoritarisme forcené la réduisent à l'état de boîteuse après une chute en skis.


L'enfant chérie est devenue une adolescente complexée et solitaire , mal dans sa peau, objet des quolibets et des sarcasmes, à cet âge sans pitié où la moindre tare physique devient rédhibitoire chez ces filles en fleur, qui affirment avec arrogance et cruauté leur statut de femmes et de tentatrices en devenir.


Il aura suffi d'un regard à Mattia, le beau Mattia mutique aux yeux si tristes pour déceler chez Alice cette même différence qui l'isole des autres, cette culpabilité qu'il traîne après lui comme un boulet depuis que son autre moi, cette jumelle autiste qui sans le vouloir accaparait l'attention, a disparu par sa faute quand ils avaient 9 ans.


Une mise en scène prenante alternant flash-back et retours à la réalité sur une musique volontairement stridente, rythmée et nerveuse, deux esseulés, tels ces nombres premiers, solitaires et uniques qui vont vivre des destins parallèles sans jamais se rencontrer émotionnellement, exorcisant chacun à sa manière leur différence, l'un par la science, l'autre par sa passion de la photographie.


Quatre époques de leur vie où ces alter-ego grandissent et vieillissent, enfermés en eux-mêmes, prisonniers à jamais de ce passé qui a forgé leur autisme.


Alba Rohhwacher, visage étrange, silhouette maigre et presque sans grâce nous offre toute la puissance de son jeu par un simple regard, et Luca Marinelli, sobre et intense, nous entraîne à sa suite dans les méandres de l'enfance et ses fêlures qui nous marquent à jamais.
Un film qui m'a beaucoup touchée.

Aurea

Écrit par

Critique lue 2.2K fois

57
23

D'autres avis sur La Solitude des nombres premiers

La Solitude des nombres premiers
SlashersHouse
9

Un nombre premier a aussi son jumeau.

Tiré du roman éponyme de Paolo Giordano, La Solitude des nombres premiers nous emmène dans les méandres de l'isolement de deux personnes uniques, qui bien qu'elles soient faites pour être ensemble,...

le 30 avr. 2011

30 j'aime

5

La Solitude des nombres premiers
eloch
9

L'effet papillon

Un cri s'élève au début du film, celui d'une enfant ... On sent l'angoisse d'un frère perdu au milieu d'un monde où on lui demande toujours de réagir en adulte alors qu'il en est incapable simplement...

le 3 nov. 2011

8 j'aime

2

La Solitude des nombres premiers
Queenie
7

Divisible par son semblable

Je n'ai pas lu le livre, ce qui certainement favorise mon bon avis sur ce film. D'abord, et surtout, j'ai aimé l'ambiance étrange, les tout premières images version Giallo forcément, j'aime. Et...

le 29 sept. 2011

7 j'aime

Du même critique

Rashōmon
Aurea
8

Qu'est-ce que la vérité ?

L’Homme est incapable d’être honnête avec lui-même. Il est incapable de parler honnêtement de lui-même sans embellir le tableau." Vérité et réalité s'affrontent dans une oeuvre tout en clair...

le 30 oct. 2012

424 j'aime

145

Call Me by Your Name
Aurea
10

Parce que c'était lui...

Dans l'éclat de l'aurore lisse, De quels feux tu m'as enflammé, O mon printemps, mon bien-aimé, Avec mille et mille délices! Je sens affluer à mon cœur Cette sensation suprême de ton éternelle...

le 23 févr. 2018

372 j'aime

278

Virgin Suicides
Aurea
9

Le grand mal-être

J'avais beaucoup aimé Marie-Antoinette de Sofia Coppola, j'ai regardé sur Arte, Virgin Suicides, son premier film qui date de 1999, véritable réussite s'il en est. De superbes images pour illustrer...

le 30 sept. 2011

362 j'aime

114