La solitude du coureur de fond nous entraîne dans une Angleterre ouvrière, pauvre, et dénuée de toute beauté.
L'on suit Colin Smith, jeune rebelle et délinquant, qui après le cambriolage d'une boulangerie se fait arrêter et envoyer en maison de redressement.
Dans ce nouvel univers où la discipline est reine et instaurée par l'effort physique, le directeur va trouver en Colin un certain talent pour la course de fond. Il souhaite se servir de son autorité pour faire de lui son coureur attitré pour remporter la prochaine coupe inter-pénitentiaires.
Ce film est un hymne à la liberté, personnifiée par le jeune Colin représentant cette génération désabusée n'arrivant pas à trouver leur place dans cette société où le matérialisme gagne les masses.
Elle peut s'apparenter et avoir inspirée celle des no future venant du punk anglais des années 70.
L'univers du film à un côté très anarchiste, disant non aux conventions sociales, non aux institutions familiales et politiques. La scène où il brûle le billet dans la chambre de son père défunt est très osée et évocatrice de l'esprit du film. Il dit non à ces gens qui veulent le faire travailler jusqu'à sa mort et le laisse dans la misère, il dit non aux emplois car il trouve le travail injuste, il refuse d'enrichir quelques privilégiés au dépend de sa vie. Ce qu'il veut lui, c'est vivre, sans penser au lendemain, profiter de sa jeunesse.
La maison de redressement représente très bien elle aussi la violence de la société de cette époque (voir la notre aussi), faire régner une atmosphère de compétition pour que les plus forts réussissent aux dépends des autres. Casser ces jeunes pour ensuite les reconstruire à l'image d'une société dite idyllique, froide, conformiste.
Colin, avant d’atterrir ici était un homme libre, faisait ce qu'il voulait, quand il le voulait, il était sauvage, pas encore gangrené par les conventions sociales et les responsabilités.
il était trop libre pour ses redresseurs d'enfants, il fallait le remettre dans le droit chemin de la pensée unique. Et une fois fait, il le porteront en étendard pour montrer que même les plus sauvages d'entre nous peuvent devenir dociles lorsque qu'on leur agite la bonne carotte devant les yeux.
Et c'est lorsque l'on croit que Colin a abandonné la lutte, brisé devant cette autorité tyrannique que le finale du film apparaît!
SPOIL
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Colin Smith participe à la course, produit les efforts attendus, rattrape peu à peu le leader du groupe, le dépasse, creuse l'écart, est prêt à remporter la victoire. Mais c'est à cet instant précis, au moment où la sueur coule le long de son front, où ses muscles le brûle, que son esprit lui rappel ce en quoi il croyait avant d'être enfermé entre ces murs, il ressent alors que cette victoire aura pour lui un goût de défaite, il sait que si il gagne aujourd'hui, il perdra toute sa vie. La foule l'encourage, le directeur de la prison cri le nom de son nouveau poulain, exulte de sa victoire prochaine, mais Colin se remémore son passé d'homme libre, les souffrances qu'il a vécut et ne peut les imaginer vaines de sens. Ses pas ralentissent, chancelant, il diminue son allure, regarde les gens lui hurlant de continuer, à mesure que son poursuivant le rattrape, le visage du directeur pâlit, et lorsque qu'il stoppe totalement sa course, son adversaire passe la ligne d'arrivée. Colin reste debout en signe de contestation devant la foule en ébullition, regarde le ciel, puis le visage dépité du directeur et sourit. Libre il a été, libre il restera!
L'image de fin du film nous montre ses jeunes dans leur atelier en train de construire des masques à gaz sous le regards autoritaires des gardes.
La solitude du coureur de fond est clairement un drame politique très engagé mais c'est ce qui fait qu'il est si intense. Il essaye aussi de nous rappeler que la préservation de notre liberté est une lutte de chaque instant.