Le premier docufiction de l'histoire du cinéma !
Comme quoi les nordiques aussi ont inventé des trucs, on aurait tort de négliger leur apport. En tous cas, quand Benjamin Christensen met en scène cet Häxan en 1922 (oui ! oui ! 1922 !), on sort à peine l'épouvante des placards de la littérature. Autant dire que mêler une vraie recherche documentaire, fondée sur des peintures et autres images d'archive, et y incruster une reconstitution jouée, personne n'y avait encore pensé.
Et pourtant, faudrait pas trop considérer Häxan comme une oeuvre avant-gardiste qui n'a que le mérite de son concept. Non, clairement, Christensen a réalisé un film absolument majeur, très impressionnant pour l'époque et toujours aussi percutant et intemporel.
C'est d'abord la structure du film, en sept chapitres, mêlant donc illustrations iconiques et reconstitution cinématographique de l'histoire de la sorcellerie, qui fascine, le final n'étant autre qu'une mise en perspective passionnante qui confronte passé et présent.
Et mes aïeux, il faut parler de l'ambiance baroque que met le film en place, notamment lors des séquences en Enfer, toutes droit sorties de la Divine Comédie. Toute une atmosphère symboliste et hagiographique que le film convoque à travers une esthétique expressioniste ultra-crédible. Les effets spéciaux ont beau faire parfois sourire, l'ensemble est de très très haute tenue pour 1922, et pose déjà les premiers jalons de l'horreur comme genre cinématographique.
Et puis, mentionner enfin cette façon dont Christensen parvient à capter la beauté des visages burinés de ses acteurs à travers des gros plans somptueux, préfigurant la Passion de Jeanne d'Arc de Dreyer six ans auparavant et plus généralement la poésie frontale et ravageuse des films de Pasolini.
Sérieux, ça pète sa mère.