Quand Hollywood s'occupe d'un best-seller
Il y avait de quoi appréhender La Stratégie Ender. Et pour cause, Hollywood (car il s’agit bien de ça) a cette fameuse manie de transformer un best-seller en pur produit commercial bien fade. Comme le laisser présager cette adaptation du livre d’Orson Scott Card. Notamment avec Gavin Hood à la réalisation (qui avait trucidé X-Men Origins : Wolverine, n’étant pas assez fort pour diriger un blockbuster ni se faire entendre par les studios), Harrison Ford en tête d’affiche (qui enchaîne les gros films sans saveur), l’auteur au statut de consulteur qui n’est pas écouté (sur le choix des acteurs), et le côté spectacle. Des spéculations assez péjoratives mais justifiées tout de même !
La Stratégie Ender, c’est avant tout de la science-fiction. Qui nous place dans un futur proche, où l’humanité se prépare à une nouvelle attaque des Doryphores, des extraterrestres insectoïdes. Et pour cela, l’armée à l’idée de recruter des surdoués, capables d’élaborer les meilleures stratégies existantes. Plusieurs adolescents sont appelés, mais les regards vont se poser sur Ender Wiggin, dont les capacités d’analyse dépassent l’entendement. Serait-il l’enfant idéal pour gagner cette guerre ?
Autant le dire tout de suite : je n’ai pas lu le livre. Du moins, pas encore ! Eh oui, cela veut dire que le film m’a donné envie de m’intéresser à l’œuvre littéraire ! Mais attention, cela ne veut pas dire que ce long-métrage sort de l’ordinaire ! Au contraire, je suis tellement déçu par ce film qu’il me faut en savoir plus sur les diverses excellentes idées qui pointent le bout de leur nez que durant quelques secondes. Car La Stratégie Ender possède cet immense défaut scénaristique qu’ont la plupart des adaptations de ce genre : un survol monstrueux de tout le travail approfondi (personnages, thèmes, critiques…) du livre. Le long-métrage ne s’attarde nullement sur quoique ce soit. Plutôt sur le trajet (rapide) d’Ender dans l’école militaire, ses rivalités, sa reconnaissance montante auprès des autres élèves et des officiers. Du coup, le film ne s’intéresse qu’à Ender. Oubliant tous les autres protagonistes, qui ne deviennent que de simples figurants (sauf pour certains hauts gradés, qui doivent leur présence à l‘écran que pour leurs interprètes) alors qu’il y avait quelque chose à tirer (surtout au niveau du frère violent).
La seule véritable idée qui ressort est dans le final. Je ne dévoilerai rien, mais cela met en valeur le fait des soldats américains qui s’en vont en guerre à l’aveuglette, même s’ils ne sont pas à 100% prêts. Sinon, La Stratégie Ender n’est qu’un amoncellement de blabla, de séquences d’entraînement à grosse dose d’effets spéciaux, de personnages qui apparaissent et disparaissent à l’écran pour réapparaître comme ça l’air de rien. Avec les divers entrainements qui se suivent et qui mettent en valeur ce jeune héros hissé au rang d’élu. Comme si Harry Potter débarquait en plein Star Trek ! Bref c’est loupé de ce point de vue !
Et puis, le casting n’est vraiment pas des plus impressionnants. Au niveau prestations, que l’on se comprenne ! Parce que nous avons droit à de grands noms. Mais qui n’arrive pas à la cheville de leur réputation. À commencer par Harrison Ford, qui cabotine et cachetonne comme jamais. Le jeune Asa Butterfield (Hugo Cabret) n’impressionne guère (toujours furieux ou triste). Hailee Steinfeld est bien loin de la révélation qu’elle était dans True Grit. Ben Kingsley fait les gros yeux. Tandis que Viola Davis et Abigail Breslin (celles qui s’en sortent le mieux) n’ont le droit qu’à quelques scènes pour se montrer. Quant à Moisés Arias (le Rico dans Hannah Montana), c’est sans doute le plus ridicule de tous, à trop faire le caïd de manière excessive alors que sa petite taille ne convient nullement face à celle d’Asa Butterfield.
Sans compter la platitude intégrale avec laquelle se présente La Stratégie Ender niveau mise en scène. Comme on pouvait s’y attendre, le film n’est qu’un pur produit hollywoodien. Où le divertissement et le visuel compte bien plus qu’autre chose. Il n’y a qu’à voir cette abondance d’images numériques, qui peinent à être à la hauteur de ce qui se fait aujourd’hui. Donnant au film des airs de jeux vidéo alors que cela pouvait se monter bien plus réaliste (même si l’influence des jeux vidéo est là, ils sont pourtant de moins en moins « numériques »). Avec, bien entendu, un singulier manque d’originalité (tout, que ce soit dans les accessoires, costumes ou bien décors, sent le déjà-vu).
Néanmoins, je dois admettre que le film possède un bon atout : l’efficacité du divertissement qu’il est. Pour les spectateurs n’ayant pas lu le livre ou bien pour ceux qui ne sont pas difficiles, La Stratégie Ender saura les combler. Car il est toujours aussi amusant de voir un spectacle de science-fiction où de séquences d’action sont là pour assurer le spectacle (surtout les simulations de batailles spatiales), avec de jeunes personnages auxquels n’importe quel adolescent peut se rapprocher (vu que les clichés sont toujours là).
En somme, La Stratégie Ender est un blockbuster de plus. Qui sait passer le temps suffisamment, certes. Mais qui ne sort pas du lot, avec son scénario grandement fade, sa distribution prestigieuse que par le nom de ses comédiens et sa préoccupation purement visuelle. Mais bon, il y a pire ! Surtout pour un long-métrage qui a coûté 110 millions de dollars alors que d’autres, moins biens, sont plus chers.