Delannoy et ses scénaristes se sont contentés d’illustrer très platement le roman de Gide, rajoutant au passage quelques personnages pour en étoffer l’austérité, tout en minimisant la réflexion morale et religieuse qui le sous-tend. Du coup, ce qui est à l’écrit un récit allégorique tendu et dépouillé (inspiré d’un conte de Noël de Dickens, Le grillon du foyer) devient à l’écran un mélodrame bavard pesamment mis en scène que la beauté stupéfiante de Michèle Morgan ne suffit pas à transcender face à un Pierre Blanchar bien trop fade pour incarner les tourments intérieurs de son personnage. Mais au cinéma, les histoires d’aveugles, même mal filmées, suscitent toujours l’intérêt et celle-ci, toute désuète qu’elle semble, ne fait pas exception. Et comme l’excellent roman de Gide est très court, on peut le lire dans la foulée pour en apprécier la puissance et la subtilité.