Jean Delannoy adapte le roman d’André Gide.
La neige a recouvert un petit village de montagne isolé du monde où un pasteur dévoué veille sur ses ouailles avec bonté, et recueille une fillette aveugle laissée orpheline. Le temps passe, le pasteur et son épouse vieillissent, leurs enfants et l’aveugle grandissent. Et quand elle sourit pour la première fois, l’aîné du pasteur ne peut que tomber amoureux.


La mise en scène est lente et maniérée, très classique, très académique. Mais cette forme un peu austère raconte l’enfermement et l’absence d’horizon de la pauvre aveugle. Raconte le temps qui pèse chaque jour dans ses ténèbres. Peut-être un des seuls choix formalistes du film.


Michèle Morgan interprète la jeune aveugle. Elle est magnifique. Très belle et toujours juste. Une prestation au diapason de l’ensemble du casting, Pierre Blanchar mis à part. Celui-ci est malheureusement crispé, marque chaque geste et souligne chaque mot comme s’il était sur les planches, bref ne respire pas quand il le devrait. Face à l’aisance et au naturel de ses collègues, sa prestation dénote et traîne sur la fluidité du récit.


Ce sont bien à ces petits détails que Jean Delannoy perd l’équilibre et la fluidité de son film. Si le scénario, fait d’ellipses pas toujours identifiables ou compréhensibles, s’attache à trois moments essentiels du récit pour rester efficace, la mise en scène oublie d’être intransigeante. Plastiquement il n’y a pas de grande trouvaille ni d’innovation, et même des facilités proches de l’erreur : l’alternance de vues extérieures et de dialogues de studio pèse d’entrée sur la séquence en traineau, peu après ce sont les années qui s’empilent en cahiers, deux plans lourds. Seule la dernière séquence, où les visages du pasteur et de la jeune femme emplissent l’écran, apporte un surcroit d’émotion, nécessaire.


Une fois la jeune aveugle guérie, elle découvre le vrai visage des gens qui l’entourent, tout ce qu’ils pouvaient aisément cacher et qu’ils ne peuvent plus, toute l’horreur du monde qu’ils taisaient mais qu’elle voit maintenant. L’amour malade qui meut les hommes, le pasteur et son fils, la jalousie qui pourrit au cœur de la femme du pasteur.
« Allez-vous-en, elle est à moi ! »


La Symphonie Pastorale, c’était ce rêve de confort presque idéal dans lequel l’infirmité maintenait la jeune aveugle avant que la vue ne lui déchire les tympans et le cœur. Heureux les simples d’esprits, heureux les ignorants… La puissance du roman de Gide ne se retrouve malheureusement pas dans l’adaptation de Jean Delannoy malgré l’implication de la merveilleuse Michèle Morgan, excellente. Il y avait un point de vue dans le livre qui n’existe plus dans le film, et cette absence pèse sur la narration, en enlève les soubresauts sensibles, en empêche les émotions, et nuit à l’implication du pauvre spectateur.


      Matthieu Marsan-Bacheré

Créée

le 15 nov. 2015

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