LA TERRE ET L'OMBRE (16,4) (Cesar Augusto Acevedo, COL, 2016, 97min) :
Remarquable drame qui nous emmène sur les traces d'un grand-père revenant dans la vallée de Cauca (terre rurale aux pieds des Andes) au chevet de son fils malade. César Acevedo pour son premier long métrage confirme après le sublime L'Etreinte du Serpent que l'excellence du cinéma colombien, et réussit un coup de maître. Une mise en scène exceptionnelle d'un formalisme stupéfiant de justesse, où chaque cadrage est réfléchi, méticuleux et signifiant, tous les longs plans fixes de la première moitié du film sont saisissants d'intelligence et de force, en attendant les plans (plus) mouvants de la deuxième partie reflétant avec acuité le fil des relations qui se dénouent. Cette fiction d'une lenteur bienvenue nous laisse nous imprégner des racines et des démons de cette terre, nous plonge dans les réalités sociales (luttes, grèves) et les non dits familiaux, avec une pudeur bouleversante qui donne un air mythologique impressionnant à cette famille. Un récit sobre qui grandit ces humains, rend de la dignité à ses laisser pour compte, que personne ne regarde, asphyxiés par un monde qui prend feu, un monde où les larmes ont un goût de cendres et ne sont plus sucrées et où le combat semble vain alors que l'apocalypse industriel ne cesse de faire des ravages. De Cannes le réalisateur nous adresse avec sa caméra en or, un vibrant hommage intimiste à un homme à l'agonie, parabole d'une planète qui l'est aussi...Un requiem splendide, une formidable expérience d'une puissance formelle éblouissante qui nous renvoie à Carlos Reygadas où au cinéma métaphysique d'Andrei Tarkovski porté par des comédiens amateurs d'un naturel étourdissant pour illustrer cette tranche de vie émouvante. Venez illuminer votre âme en posant les yeux et en ouvrant votre cœur vers La Terre et l'ombre. Limpide, austère, implacable, admirable et magnifique. La vie est un miracle, parfois le cinéma aussi, avec la naissance de ce cinéaste en or !