Ce film est de partie pris visuel, silencieux, linéaire, jusqu'à un dénouement annoncé dès les premières images, à l'instant où le cinéaste amène la focale à l'intérieur de cette maison, perdue dans une immensité industrielle de cannes à sucre.
On est en Colombie, dans une vallée andine qui a dû être un paradis d'orangers, d'arbres à pluie et de cette terre mère, que les paysans placent au dessus de tout, et refusent de quitter, y compris lorsqu'elle n'est plus que fantôme et poussière.
Cesar Acevedo dans cette première création fait hommage à ses deux parents disparus dans cette vallée détruite par la surexploitation sucrière, qui répand son suc blanc dans les bouches gourmandes de la planète, et sa poussière d'albâtre mortifère au fond des poumons des exploités agricoles.
Ca pourrait être en noir en blanc, la couleur est en trop, le vert brun délavé des cannes accroit la nausée, les plans séquences renforcent un propos impitoyable, sans issue, avec les allers retours dans l'enfer opaque de la maison, où se terre cette famille, entredéchirée, entre la détermination de la vieille mère qui n'abandonnera ni sa terre ni l'agonie de sa chair, son fils et celle du grand père de sauver ce qui est encore à sauver.
Les forçats de la poussière sont vus de façon lentement extatique, filmés de près, le regard brulant, à la Andrei Roublev, tandis que plus intimement, la famille est analysée dans son déterminisme atone.
Le clan familial recomposé (le grand père, la jeune mère, son jeune fils) tentera de sortir la tête de ce bourbier mortifère, dignement, sans cris, heurts, aménité...
Et l'on reste sidéré...