Archéologie du polar
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Pour cette troisième adaptation de Simenon au cinéma, c'est Julien Duvivier qui met en scène une enquête du commissaire Maigret, dans un temps cinématographique très proche du muet — à tel point qu'il est difficile de dire si l'ambiance sonore grouillante de bruits est le fruit d'une démarche consciente, pour restituer l'atmosphère crasseuse, ou s'il ne s'agit que du résultat involontaire d'une limitation technique (avec des dialogues proches de l'inaudible noyés dans un brouhaha presque constant).
"La Tête d'un homme" passe en tous cas par différentes phases, différentes ambiances : pour planter le décor qui conduira au meurtre à l'origine de l'enquête policière, Duvivier plonge dans un café bondé avec un style très réaliste, en immersion au sein de l'effervescence tandis qu'un pacte macabre est en train d'être signé. L'intervention du pauvre simplet Heurtin, qui se retrouve au milieu d'une scène de crime alors qu'il était venu là pour voler quelques bijoux, flirte avec le muet pur jus. Et pour illustrer les agissements de l'inquiétant Radek, on lorgne clairement du côté de l'expressionnisme angoissant, avec des cadres exigus et des lumières saillantes.
Dès le début, Duvivier fait le choix de ne pas verser dans le Cluedo (tant mieux, de mon point de vue) dans le style de "L'assassin habite au 21" : il ne s'agit pas de jouer sur le mystère du crime, car tout nous sera révélé au fur et à mesure des événements. On sait clairement qui a fait quoi et pourquoi, dans une certaine mesure, et c'est donc l'occasion de se concentrer sur la progression des investigations et du rapport entre le commissaire et le criminel. Dans ce petit jeu-là, force est de constater que la présence angoissante de Valéry Inkijinoff dans le rôle de Radek prend clairement le dessus sur celle de Harry Baur, un peu trop stoïque et réservé au point que son personnage devient inintéressant. Un peu trop symbolique.
Sans doute que l'essentiel de la stratégie de Maigret a perdu de son originalité, vu d'aujourd'hui — le coup de l'évasion intentionnelle pour conduire au malfaiteur n'est pas immensément productif. Un sacré incompétent, aussi, tant les morts jalonnent son passage. Mais la résultante de cette tentative n'est en revanche pas dépourvue d'intérêt, avec la révélation de motivations plus complexes que prévues.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Top films 1933, Réalisateurs de choix - Julien Duvivier, Avis bruts ébruités et Cinéphilie obsessionnelle — 2021
Créée
le 1 févr. 2021
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