Opération Défrichage

Il me semble avoir déjà dit de Jean Becker qu'il aimait l'amitié et les braves gens.

"La tête en friche" est encore de ce point de vue-là un bel exemple. Tiré d'un roman de même titre de Marie-Sabine Roger (que j'ai lu et apprécié), c'est l'histoire tendrement émouvante de la rencontre de deux êtres a priori non compatibles.

Une vieille dame de 95 ans et un homme d'une cinquantaine d'années. La grâcieuse vieille dame Margueritte (avec deux t) (Gisèle Casadesus) est très cultivée et s'est toujours passionnée pour la chose écrite. L'homme, Germain, (Gérard Depardieu) est un rustre mal dégrossi, une force de la nature qui vit de petits boulots, de services ici et là, des récoltes de son jardin (il est incollable sur les variétés de tomates). Depuis sa naissance, il n'a cessé d'être le souffre-douleur de sa mère, de l'instituteur qui, cette ordure, passait son temps à se moquer de lui devant la classe qui ne demandait pas mieux de se payer une bonne tranche. Même à cinquante ans, quasi analphabète, il se fait brocarder par les copains au bistrot (le guide Michelin et le Guy de Maupassant).

Un jour, c'est le miracle, le contact s'établit dans un parc où nos deux héros s'amusent à compter les pigeons. Puis l'éveil à la littérature, à "l'ailleurs", auquel se prête Margueritte.

- Germain, vous avez une excellente mémoire auditive

- Non, non, non, c'est surtout que je retiens ce que j'entends

On peut s'étonner de ce personnage de Germain assez composite où le même personnage va maladroitement mettre les pieds dans le plat avec certains (au bistrot notamment) et faire preuve de délicatesse avec d'autres. Mais, j'aime assez l'idée originale de "cette tête en friche" que deux personnes vont avec de la patience et de la douceur commencer à défricher (si ce n'est pas déchiffrer). Il s'agit bien sûr de Margueritte dont on a parlé qui attaque par le biais d'une ouverture vers le roman. Mais il s'agit aussi d'Annette (Sophie Guillemin), la conductrice de bus qui entreprend Germain en mettant de l'ordre dans son cœur car elle sait qu'il est capable d'apporter de l'amour … Tandis que les gars du bistrot restent relégués encore dans la partie en friche et se voient désormais peu à peu exclus du personnage.

Côté casting, j'aime bien les jeux sincères de Gérard Depardieu, de Gisèle Casadesus et de Sophie Guillemin.

Mais les seconds rôles ne sont pas en reste avec l'indigne mère de Germain à travers Claire Maurier. Ou, encore, l'infect instituteur à travers Régis Laspalès.

J'aime assez cette idée de deuxième chance donnée à un homme que le destin n'a pas bien servi au départ.

Et puis cette entrée dans la littérature avec "La Peste" et "la Promesse de l'aube" ne peut me laisser indifférent …

La vie, comme elle pourrait être. C'est un film qui va entrer dans ma liste des films "capraesques"