L'auteure s'inscrit dans la lignée des Pialat, Dardenne et Kéchiche, pour ne citer que les plus récents, relevant d'une filiation esthétique pratiquement aussi ancienne que le cinéma, et qui vise à dépeindre la réalité la plus crue, dans une forme parfois proche du documentaire.
Elle nous plonge dans le cheminement d'un jeune adolescent délinquant, Malony, qui vient de voler une voiture. L'ado est convoqué chez le juge, avec sa mère, jeune femme totalement irresponsable (éblouissante Sara Forestier). Bercot va filmer les liens qui vont unir Malony (performance hors norme du jeune Rod Paradot) à cette juge humaniste (Deneuve, remarquable, malgré les excès de botox) ainsi qu'à son éducateur (Benoit Magimel, d'une grande finesse de jeu). Ne parvenant pas à contrôler la violence qui est en lui, Malony fait plusieurs séjours en centre éducatif fermé et en prison. Il parviendra peu à peu à s'adapter au monde social.
L'intérêt du film tient en premier lieu à un scénario très construit, qui fait évoluer le personnage principal dans sa confrontation avec le monde, avec les règles et surtout les personnages qui portent des convictions humanistes fortes : la juge, l'éducateur, les responsables du centre éducatif fermé. C'est un film dont les personnages sont fortement charpentés et caractérisés, que ce soit autour des convictions humanistes (juge et éducateur), dans leur irresponsabilité consubstantielle (mère de Malony), ou leur violence, leur absence de rationalité (Malony et ses camarades du centre éducatif). C'est une peinture d'un monde social constitutif de la France contemporaine, celui des laissés-pour-compte de la mondialisation, victimes des délocalisations et des restructurations, qui, sans aucune qualification, n'ont pas les outils pour s'adapter à la nouvelle donne du monde du travail. Par ailleurs, la cinéaste évite les connotations stylistiques trop documentaires, elle prend un parti-pris de mise en scène et d'images fluide et lumineux, qui sans être génial évite au film de tomber dans le démonstratif appuyé.
Bercot, sans parti pris militant lourdingue et sans arrière-pensée culpabilisatrice, réussit très bien à filmer ce monde : l'absence de repères, d'espoir, de capacité à réfléchir et à rencontrer l'autre. Ces jeunes et leur famille héritent du désespoir et de l'absence d'amour. Il ne s'agit pourtant pas d'un film complaisant ou misérabiliste mais d'un film humaniste, qui montre la solidarité et l'empathie qui nait entre les représentants de l’État et de l'autorité (juge, éducateurs) et Malony et ses comparses. C'est une sorte d'hommage à ces femmes et hommes d'engagement, qui par leur énergie et leur humanité sauvent des vies. Les comparaisons avec Mommy me semblent totalement à côté de la plaque : Mommy était un film sur la relation intime impossible entre une mère et son fils, La Tête haute parle de l'évolution d'un ado dans son rapport avec le monde. Sans atteindre la puissance, l'intensité et la beauté filmique de La Vie d'Adèle, La Tête haute n'en reste pas moins un remarquable film français.