Dès les premières minutes, la crédibilité du projet d’Emmanuelle Bercot en prend un coup. Quelle idée saugrenue de déguiser Sara Forestier en mélange de Jacquouille et Zézette et de l’affubler d’une improbable prothèse dentaire pour incarner cette mère prolétaire immature et instable. Difficile ensuite pour la réalisatrice de conserver une certaine tenue après cette entrée en matière grotesque et caricaturale. D’autant plus que le jeu de Forestier, constamment à côté de l’intention, outrancier et involontairement comique va continuer de plomber le film jusqu’au générique de fin.
Le rôle de la mère, au-delà de son interprète, est symptomatique des défauts de la Tête Haute. Au gré des besoins du scénario, elle est tantôt protectrice et concernée, tantôt démissionnaire et égoïste, sans qu’on nous donne les clés de ces changements de psychologie. Or c’est un écueil qu’on retrouve souvent dans La tête Haute, un scénario qui ne se refuse aucune énormité et qui cèdent à trop de facilités pour qu’on y croie tout à fait. Le parcours de Malony semble se répéter en boucle, entre excès de rage destructeur, passage devant les autorités et clémence de celles-ci, pour repartir de zéro et recommencer. Le film multiplie les lourdeurs de façon assez rédhibitoire dans le but de permettre à l’intrigue de rebondir et de rendre ses personnages attachants coute que coute. Si bien qu’on touche à un misérabilisme factice et artificiel dès qu’on se rapproche du cercle familial.
La tête haute recèle cependant de passages très réussis lorsque l’adolescent se retrouve en Centre Educatif Renforcé. On y ressent une urgence et une tension prégnante, le film touche ici à un réalisme sincère qui se refusait à lui jusque-là, incarné notamment par la présence imposante et subtile des éducateurs. Il touche juste également lorsqu’il rend compte de l’impuissance du système judiciaire à réintégrer le jeune délinquant dans la société, à travers les figures de la juge (impeccable Deneuve) et de son éducateur (Benoit Magimel, très juste). Leur désarroi, leur colère et leur refus de céder au fatalisme sont remarquablement transmis.
Mais si claque il y a dans La Tête Haute, c’est sans aucun doute la révélation Rod Paradot. Boule de colère et de violence incontrôlable, il livre une interprétation rageuse et incandescente de Manory. Le jeune acteur associe charisme, présence (il peut foutre les jetons à certains moments), fragilité et justesse, s’adaptant aux situations et aux autres protagonistes.
A l’instar du cinéma socio-réaliste britannique (au hasard un Andrew Garfiel dans Boy A ou un Jack O’Connell dans 71’), La Tête Haute révèle une gueule et un talent sur lesquels il faudra compter à l’avenir.
Dommage qu’à vouloir être trop écrit, le film finisse par être mal écrit et bancal, et n’atteigne jamais l’exigence et l’excellence de son cousin britannique.