Comment se construire et intégrer la société,
comment en comprendre les règles, et les accepter, après n’en avoir jamais eu dans son enfance ? C’est la question à laquelle tente de répondre La Tête Haute à travers le parcours chaotique de Malony, jeune adolescent à la dérive dans un système d’aide à l’enfance intégré à la machine judiciaire française.
La scène d’ouverture est d’une violence rare : Séverine, mère démissionnaire, est face au juge chargé de la protection de l’enfance avec ses deux garçons. Malony, 7 ans, observe en silence la colère de sa jeune mère, insoumise et dépassée par ce qu’implique la parentalité de responsabilités. Au bout de l’explosion nerveuse, la mère jette un sac à l’institution et sort en emportant son bébé, abandonnant Malony à la justice et aux responsables sociaux.
Quelques séquences plus tard, l’absence de repère du jeune homme a été survolée.
Entre délinquance et isolement psychologique,
Malony n’a rien reçu de ce que les enfants peuvent attendre de leurs parents : ni cadre, ni tendresse. Aucune règle n’est venue fixer de limite, bien au contraire, et l’amour épisodique d’une génitrice irresponsable n’a pu asseoir le confort moral d’une confiance en soi nécessaire à son épanouissement. Ce parcours le ramène immanquablement au tribunal, et le bureau du juge devient le décor central de la narration. Malony passe des centres éducatifs à la prison. La juge aura ces mots, durs, pour lui dire combien il est important qu’il se ressaisisse : « On n’est pas là pour t’aimer, on est là pour t’aider ». Un éducateur l’accompagne avec une énergie et une volonté que la plupart aurait perdues face au comportement du jeune homme. Et malgré ses réticences, Malony se retrouve bientôt contraint d’accepter
la main qu’on lui tend.
Alors le poing serré de l’adolescent se desserre, la colère et les nombreuses années de haine se dissolvent imperceptiblement avec les premiers frémissements de l’amour et l’espoir d’une vie partagée. La main fermée du jeune homme s’ouvre, encore hésitante, mais enfin disposée à recevoir.
Le jeune Rod Paradot est impressionnant dans le rôle de Malony. La colère toujours à sa juste intensité, le regard de détresse toujours profond. L’inconnu bouffe l’écran, et la partition de Benoit Magimel y participe : leur relation faite d’affrontements joue l’intensité. A leurs côtés, Catherine Deneuve se contente du minimum, coincée dans un bureau dont elle sort rarement.
La Tête Haute met en lumière le formidable travail de l’accompagnement social de la protection de l’enfance. Emmanuelle Bercot poursuit le travail commencé avec Polisse, de Maïwenn, dont elle était la co-scénariste, et décortique
les abandons de l’enfance
et les réponses qui y sont apportées aujourd’hui en France. Un parcours émouvant de bout en bout. Un film indispensable en préambule à la parentalité.
Matthieu Marsan-Bacheré