Drown by law
Paul Newman, déjà, qui me ferait voir à peu près n’importe quel film. Et Stuart Rosenberg, avec qui il a déjà commis les très bons Luke la main froide et Le Clan des irréductibles : on ne pouvait...
le 1 mai 2017
13 j'aime
Cette suite tardive est encore plus faible que le film précédent, Détective privé, car elle souffre davantage de la déconnexion entre le personnage principal et son enquête. C’est parce qu’ici, la vie personnelle d’Harper ne prend pas réellement le relais afin de rendre le film plus engageant.
Il ne consiste donc qu’en une balade à travers la Louisiane, joliment filmée par Gordon Willis mais sous le motif d’un jeu de piste pas bien passionnant. Les révélations progressives, à peine incarnées, tout juste constatées, ne comblent pas notre ennui, d’autant plus qu’elles nous dirigent vers un cul de sac et que le mystère n’est vraiment résolu que dans les dernières minutes (c’est le twist). La pourriture que masque l’argent, l’appât du gain qui écrase tout sur son passage, corruption, trahison… Rien de bien nouveau sous le soleil.
Seul reste donc Paul Newman, toujours aussi charismatique dans son rôle de détective drôle et nonchalant. La légèreté dont font preuve le personnage et l’acteur est bien souvent la seule bouée qui nous est tendue pour ne pas décrocher du film. En plus, encore une fois, de la photographie joliment sombre, mais cette opposition entre les deux éléments les plus engageants du film est justement ce que je regrette le plus.
Car le manque d’enjeux liés au personnage est évitable. Alors que Détective privé possédait une seconde intrigue, celle de l’ex-femme, qui éclairait le détachement qu’Harper manifestait envers la première, celle du crime, La Toile d’araignée renonce à complètement lier le détective et son enquête en repoussant à la dernière minute la mort d’un personnage qu’il connaît intimement. Ça aurait été d’autant plus fort au vu des liens qui unissaient Paul Newman et Joanne Woodward, qui possédaient déjà une longue histoire maritale et cinématographique lors de la production du film. Ici, l’actrice n’est qu’une pauvre riche insatisfaite par son mari et qui picole à l'arrière-plan.
Le livre original ne mentionne pas un passé commun entre Harper et ce personnage, mais il clarifie l’empathie, voire la tendresse, que le détective ressent envers ceux qu’il croise, masquées derrière son humour froid. Cet humour qui, dans le film, devient alors la seule chose à laquelle on puisse s’accrocher. On peut être amusé, mais l’ensemble manque cruellement de tension, et de caractérisation.
C’est pourquoi la fin de La Toile d’araignée, même si elle est similaire à une scène du livre, fonctionne moins bien. Parce que l’implication d’Harper, son désir que les choses soient meilleures que l’état dans lequel il les a trouvées, ce côté profondément humain derrière le détective cynique, n’est pas quelque chose que le film embrasse complètement. Le voir essayer d’agir en ce sens n’a donc pas le poids que ça pourrait potentiellement avoir. De la même manière que le voir lui-même subir des pertes en essayant de faire le bien n’est pas aussi intéressant quand c’est si peu développé.
C’est le vrai problème d’un film construit comme un divertissement léger, alors qu’il s'inscrit dans la continuité d’un genre riche en atmosphère et en poids dramatique. Gordon Willis, lui, a bien compris l’exercice, et teint le film d’une noirceur visuelle que jamais le ton du scénario ne rejoint. Alors qu’il a été écrit au milieu d’une décennie qui a perfectionné l’enquête fiévreuse et paranoïaque, et qu’il aurait pu être un jalon dans l’histoire du film noir, plutôt que la prolongation du côté cool et détaché de son prédecésseur très “swinging sixties”. Il lui manque cette authentique noirceur qu’ont su conjurer Arthur Penn (La Fugue) et Robert Altman (Le Privé), les vrais modernisateurs du genre lors de cette décennie.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 1975
Créée
le 1 mars 2022
Critique lue 182 fois
D'autres avis sur La Toile d'araignée
Paul Newman, déjà, qui me ferait voir à peu près n’importe quel film. Et Stuart Rosenberg, avec qui il a déjà commis les très bons Luke la main froide et Le Clan des irréductibles : on ne pouvait...
le 1 mai 2017
13 j'aime
Paul Newman reprend son rôle de détective privé créé par Ross MacDonald, qu'il tenait déjà dans "Harper" ("Détective privé" en VF) une dizaine d'années plus tôt. A noter que le privé en question se...
Par
le 30 janv. 2020
11 j'aime
4
Neuf ans après le Détective privé de Jack Smight, Newman prête à nouveau ses traits à Lew Harper et trimballe sa dégaine pépère dans le bayou louisianais. L'enquête, aussi tarabiscoté que dans le...
Par
le 7 sept. 2014
6 j'aime
4
Du même critique
C’est l’histoire d’une jeune femme en manque d’ambition qui jusqu’ici maintenait les bribes de sa vie en place (son sugar daddy, son ex, ses parents) mais qui finit par s’écrouler quand ceux-ci...
le 25 févr. 2022
6 j'aime
Grosse adhésion au film pour moi, et il rejoint facilement The Dark Knight et Batman, le défi au rang de mes interprétations favorites du héros. Je pense que pour ça, je peux remercier sa longue...
le 5 mars 2022
5 j'aime
3
Par moments, je me suis salement ennuyé au cours de ce film qui vit dans l’ombre d’un certain nombre de ses prédécesseurs (je sais que Morse est le plus cité). Parce que l’ensemble prend du coup un...
le 25 févr. 2022
3 j'aime