« La Tortue rouge » est un très beau long métrage, lent et contemplatif, poétique à souhait, et malgré tout captivant du début à la fin. J'attendais ce dessin animé avec impatience, dès l'annonce de sa sortie, il y a de cela plus d'un an. En effet, il a été « vendu » comme la première co-production Ghibli, gage de qualité et nouveauté à la fois, car pour la première fois le célèbre studio japonais co-finance un artiste étranger au studio, européen de surcroît. Si j'ajoute à cela des premières ébauches splendides et un synopsis mystérieux, le projet avait tout pour me plaire. C'est donc peu dire que mes attentes étaient hautes. En lisant les premières critiques il y a peu, l'appréhension commençait à monter. Malgré la reconnaissance unanime de la beauté plastique du film, certains émettaient des réserves sur le propos, d'un symbolisme lourd semblait-il. Mais dès les premières images j'ai été conquis. Le grain de l'image, les aplats de couleur, la bande-son exaltante, le personnage principal, simple et universel à la fois... Tout cela m'a instantanément scotché sur mon siège par la beauté de l'ensemble. Ayant été biberonné à la ligne claire d'Hergé, fervent admirateur de la façon de faire de Miyazaki, je ne pouvais qu'être touché par cet art de la simplicité et de l'épure, où le moindre trait, le moindre point bien placé, émeut. Le visage du naufragé est à ce titre remarquable : en quelques esquisses nous avons un personnage vivant, presque réel, que l'on veut suivre dans ses aventures insulaires.


Pour revenir à ma découverte de la « Tortue rouge », j'avais regardé trois courts-métrages de Michaël Dudok de Wit préalablement, afin de tromper mon impatience. D'une beauté visuelle et d'une précision exceptionnelle, avec un grand sens de la coordination musique-images, ils m'avaient déjà donné un bon aperçu du talent du bonhomme. J'ai particulièrement apprécié « Le Moine et le poisson » et « The Aroma of Tea », aux deux extrêmes de sa palette d'artiste : l'un figuratif et l'autre abstrait, tous deux fort réussis. J'ai moins aimé « Père et Fille », un peu déjà vu dans le tragique, à l'image de nombreuses bandes dessinées contemporaines et françaises, larmoyantes à l'excès. Car il faut dire que le sens du tragique de la vie traverse toute l’œuvre du cinéaste néerlandais. La mort, notamment, y semble omniprésente. Tout cela pour dire que j'appréhendais également « La Tortue rouge » sur ce point. Et j'ai été agréablement surpris : certes la mort est de mise, de Wit reste de Wit, mais elle n'occupe pas tout le film. Oui, ça reste un film assez tragique en un sens, mais il y aussi de l'optimisme, comme cet enfant qui part à la rencontre de son destin. Et puis cette poésie enchanteresse, cette tortue rouge, et cette femme, telle Vénus sortie des eaux, ces rêves fantastiques, tout cela m'a ravi. Pour tout dire, je suis sorti de la salle empreint d'une grande sérénité, nourri par la beauté (j'y reviens toujours) de l'image mais aussi de l'histoire contée par de Wit, avec l'aide de Pascale Ferran (et d'un certain Takahata). Malgré l'absence de dialogues, on ne voit pas le temps passer, même si l'on a le sentiment d'être dans un autre espace-temps. En bref, il s'agit là d'un très beau film, peut-être pas un chef-d’œuvre, et encore : nous n'en sommes vraiment pas loin. Un film plutôt réservé aux adultes, mais qui à coup sûr figure dans les meilleures sorties cinéma de l'année !


Critique à retrouver sur mon blog ici.

ArthurDebussy
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films des années 2010, Les meilleurs films du studio Ghibli, Les meilleurs films de 2016, Michael Dudok de Wit et Films vus au cinéma

Créée

le 16 juil. 2016

Critique lue 596 fois

8 j'aime

5 commentaires

Arthur Debussy

Écrit par

Critique lue 596 fois

8
5

D'autres avis sur La Tortue rouge

La Tortue rouge
Shania_Wolf
7

Une île de poésie dans un océan de blockbusters

Extrêmement épuré, dans l’histoire, l'image comme le son, La Tortue Rouge promet une expérience apaisante, suspendue au-delà du temps. Un instant de poésie dans ce monde de brutes, mais dont les...

le 28 juin 2016

105 j'aime

3

La Tortue rouge
Feihung
5

C'est très beau mais...

A la sortie de la salle j'étais partagé, très partagé même. Le film dispose d'une direction artistique vraiment de toute beauté, l'animation est réussie, la bande son est vraiment en accord avec le...

le 5 juil. 2016

73 j'aime

6

La Tortue rouge
fyrosand
9

Seul au monde ... Enfin presque .

En coopération avec le Studio Ghibli, Michaël Dudok De Wit nous livre un superbe film d'animation métaphorique et symbolique dans lequel tout est conté avec la musique et le visuel, sans aucun...

le 29 juin 2016

70 j'aime

11

Du même critique

Mary et la Fleur de la sorcière
ArthurDebussy
4

« Kiki à l'Ecole des Sorciers »

Manifestement, il ne suffit pas de reprendre l'esthétique d'un maître pour l'égaler. C'est ce que les suiveurs et autres académistes apprennent à leurs dépens depuis la nuit des temps en matière...

le 24 févr. 2018

59 j'aime

12

Princesse Mononoké
ArthurDebussy
10

Le passage d'un monde à un autre

« Princesse Mononoké » couronne la carrière d'Hayao Miyazaki par bien des aspects. Peut-être son film le plus riche et le plus complexe, c'est également l'un des plus accomplis formellement,...

le 13 août 2016

36 j'aime

10

Il était une fois dans l'Ouest
ArthurDebussy
9

Western épique et lyrique

Vu une première fois, trop jeune, il y a longtemps, j'étais complètement passé à côté de ce film. Je m'étais dit « tout ça pour ça » ?! Je ne comprenais pas le concert de louanges qui entourait ce...

le 19 août 2020

32 j'aime

20