La Tour au-delà des nuages par Anthelix
C'est un très beau film, avec des images absolument magnifiques, et un parti pris poétique qui tranche singulièrement avec les productions actuelles où le réalisme passe avant tout.
Après la seconde guerre mondiale, le Japon est divisé en deux, le sud s'alliant aux USA, le nord rejoignant "l'Union". L'Union, plus avancée scientifiquement, construit une tour d'une hauteur démesurée, qui semble s'enfoncer dans le ciel comme pour rejoindre un autre monde, une menace potentielle qui fascine et effraye les habitants du sud.
L'histoire se déroule dans les années 90, dans la zone sud. Nos deux héros, Hiroki Fujisawa et Takuya Shirakawa travaillent après les cours dans une usine de missiles pour le moins artisanale, et obtiennent en échange des pièces détachées qu'ils assemblent patiemment depuis des années pour construire un avion. Leur but : voler jusqu'à cette tour métaphorique, comme un insecte attiré par la flamme d'une bougie.
Hiroki a des sentiments pour Sayuri Sawatari, une jeune fille de leur classe, mais la réciprocité n'est pas claire, et la popularité de Takuya laisse présager un triangle amoureux.
Les trois jeunes gens font le serment de voler ensemble jusqu'à la tour quand l'avion sera prêt. Mais leurs espoirs d'enfants s'effondrent brutalement lorsque Sayuri disparaît mystérieusement...
L'omniprésence de machines de guerre en toile de fond est un aspect intéressant du film. Les protagonistes ont grandi avec cette menace d'une guerre inévitable entre le nord et le sud, ils ne la perçoivent plus comme une anomalie et c'est finalement ce qui leur permet de prendre du recul, d'en voir un certain coté poétique (ex : les tanks qui traversent la ville, aussi incongrus que les baleines publiques de Broussaille...), et de survivre, tout simplement.
Mon principal reproche concerne les nombreuses incohérences du scénario. Si les nombreuses ellipses pratiquée dans cet univers uchronique très dense contribuent à l'épaissir encore par leur mystère, certains points font plus que frôler l'invraisemblance, et auraient demandé quelques justifications... OK, la poésie n'a pas à se justifier, mais n'est-ce pas un peu facile ?
De plus, les relations entre les personnages m'ont paru trop simplistes et pas assez approfondies pour un film dont les sentiments constituent un axe majeur. Mais peut-être est-ce cette retenue qui apporte aux personnages leur réalisme.
Le thème principal (l'amour et la séparation, le destin, les rêves d'enfance et le passage à l'age adulte), très proche de celui des autres films de Makoto Shinkai est toujours traité sans niaiserie. Mais il n'est ici peut être pas assez mis en valeur, et lorsque survient la révélation finale en réponse à l'incipit, on ne peut s'empêcher d'être un peu déçu. 5cm/s du même auteur va à mon avis beaucoup plus profondément dans la réflexion, même s'il est bien moins complet, et pourrait, dans son interprétation optimiste, être considéré comme un addendum à The Place Promised in our Early Days.
Tout ça pour dire qu'on est passé très très près du chef d'œuvre.