Bêtise humaine !
Pfff, les architectes... Hum, c'est toujours notre faute. Vous savez tous qu'il nous est très difficile de combattre un feu au-dessus d'un septième niveau, mais vous avez la rage de bâtir...
le 27 août 2020
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C'est la fête à San Francisco ! Jim Duncan (William Holden, impressionnant) organise en effet une réception pour l'inauguration du plus grand building de la ville. Seulement, une défaillance du système cause un début d'incendie qui se propage très vite. Les pompiers arrivent, mais n'arrivent pas à contenir le feu. Il faut alors évacuer l'immeuble, seul problème : la réception a lieu 40 étages au-dessus de l'incendie...
A chaque fois qu’un film me donne envie de mettre la note maximale, je me pose la même question : qu’est-ce qui définit un chef-d’œuvre ? Pourquoi celui-là plutôt qu’un autre ?
Pour La Tour infernale, un premier critère m’est venu directement à l’esprit : le film de John Guillermin dure 2h45, et pourtant, je n’en retrancherais pas une seule seconde. Si on me donnait les moyens de refaire ce film, je le referais exactement à l’identique, sans y changer un plan. Et c’est là que j’ai compris : un chef-d’œuvre n’est pas un film parfait, ça n’existe évidemment pas. Mais un chef-d’œuvre, c’est un film qui vibre à l’unisson avec nous, un film qui trouve la corde sensible pour nous entraîner à sa suite sans nous lâcher un seul instant, et nous offrir exactement ce qu’on était venu chercher.
Et finalement, le vrai chef-d’œuvre, c’est le film où tu trouves des défauts, mais auquel tu veux quand même donner la note maximale. Parce qu’il y a quelque chose au fond de toi qui te pousse à le faire, même si, parfois, tu ne sais pas quoi.
Alors voilà, La Tour infernale mérite-t-il mathématiquement la note maximale ? Sans doute pas. Comporte-t-il des défauts ? Sans doute oui. Est-ce que, malgré ça, j’ai envie de monter au maximum ? Oui, mille fois oui.
Du côté des défauts, on m’excusera de ne pas être en mesure d’en citer beaucoup, mais on peut sans doute mentionner la sous-exploitation de certains personnages. Ici, c’est Fred Astaire qui en fait les frais : quand il commence sa confession, d’un air tout contrit, on ne comprend pas l’utilité de cet arc narratif, puisqu’il cherche à corriger une image qu’on n’a pas encore vraiment de lui, puisqu’on ne l’a pas assez vu pour se faire une idée. De même, la plupart des personnages secondaires aurait pu être davantage exploitée (on pense particulièrement à la mère de famille sourde-muette), mais les scénaristes sautent parfois trop rapidement de l’un à l’autre, ou évacuent trop vite la mort de l’un d’entre eux. A ce niveau, L’Aventure du Poséidon reste un cran au-dessus.
En revanche, sur le reste, La Tour infernale triomphe sans discussion possible de toute concurrence. Ce qu’on retient le plus du film de John Guillermin, c’est avant tout l’alliance du grand spectacle et de cette forme unique de tension, dont les équivalents ailleurs dans le cinéma se comptent sur les doigts d’une seule main.
Ce qui ne se mesure pas, en revanche, c’est l’impact que peuvent avoir les scènes d’action du film. La gradation narrative mise en place par les scénaristes est à ce titre exemplaire. A chaque action effectuée sous nos yeux ébahis, on croit avoir atteint le sommet. A chaque action, on se rend compte qu’en fait, non. Que Paul Newman fasse descendre des enfants le long d’une rambarde suspendue au-dessus de 400 mètres de vide (mouillage de chemise assuré), qu’un personnage tente de piquer le sprint de sa vie à travers un couloir en feu avec pour seule défense une serviette mouillée, qu’un ascenseur extérieur se retrouve suspendu au 81e étage en plein vent, ou encore qu’on ne dispose plus que d’un quart d’heure pour trouver comment sauver plus d’une centaine d’hommes coincés au 120e étage d’un building en feu, on est sans voix, la gorge sèche face à un spectacle qui nous implique mieux que jamais.
Cette implication du spectateur, on la doit d’abord à une mise en scène exceptionnelle, dotée d’effets spéciaux d’un réalisme saisissant et d’une photographie particulièrement adaptée à la situation. On la doit également à une pléiade d’acteurs tous plus grands les uns que les autres, qui réussissent à donner corps à des personnages pleins de vie et hauts en couleur. Et si les scénaristes n’ont pas toujours pris le temps de les développer assez chacun d’entre eux, leurs interprètes s’en chargent à merveille. Si Paul Newman et Steve McQueen crèvent évidemment l’écran par le charisme qu’on leur connaît, William Holden tire tout particulièrement son épingle du jeu, poignant dans ce rôle d’homme qui se rend compte qu’il n’a pas toujours pris les bonnes décisions, mais qui affronte la mission de faire face aux conséquences de ses actes, avec courage et sincérité.
De quelque personnage qu’il s’agisse, La Tour infernale constitue ainsi une très belle leçon d’héroïsme, aussi bien l’héroïsme du casse-cou prêt à mettre sa vie en danger pour sauver n’importe qui que la résilience de celui qui puise en lui la force morale de résister et de se battre jusqu’au bout, quel qu’en soit le prix. Evidemment dédié aux soldats du feu, le film de John Guillermin constitue sans aucun doute le meilleur hommage qu’on pouvait leur rendre.
Un grand spectacle cinématographique, La Tour infernale l’est indubitablement. Un grand spectacle humain, cette épopée moderne l’est encore plus. Terrible symptôme d’une société américaine en pleine crise existentielle, qui se rend compte de son orgueil et de sa bêtise sans être jamais capable de l’arrêter, ce récit est tout autant un beau chant d’espoir et de confiance dans ces hommes qui se lèveront pour essayer malgré tout d’agir. Et c’est ce qui rend La Tour infernale meilleur que n’importe quel autre film catastrophe de cette époque : son sous-texte sociologique et politique lui donne une dimension supplémentaire qui achève de faire de ce spectacle un spectacle complet, alliant aux frissons la réflexion, mais sans aucun verbiage inutile.
On entend souvent d’un film qu’il est à couper le souffle. Ça n’a jamais été aussi vrai qu’ici, c’en est même physique : à la fin de La Tour infernale, on n’a littéralement plus de souffle. Car si John Guillermin a compris une chose, c’est que le cinéma ne se regarde pas seulement, il ne se ressent pas uniquement, il se vit. A tel point qu’en sortant de La Tour infernale, on a l’impression d’avoir fait la meilleure séance de sport de toute notre vie, et c’est peut-être vrai.
Ne reste plus qu’à trouver quelqu’un qui va nous aider à gérer le stress post-traumatique.
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Créée
le 26 févr. 2022
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