Gênes (Italie), un cargo embarque un groupe de jeunes femmes sous la direction du signor Marquedi (Marc Lawrence). Celui-ci remarque l’absence de la grande Alda qu’il attendait. Il n’hésite pas à aller la trouver chez elle, dans un quartier déshérité où elle survit tant bien que mal. Mais Alda a senti le piège, elle s’oppose à Marquedi. Survient Carlo (Ettore Manni), le compagnon d’Alda, qui fait usage de la force pour faire fuir Marquedi qui proposait 300 000 lires pour les laisser tranquilles. Bien que la somme ne paraisse pas faramineuse, si la signification du titre (équivalent au titre original) avait échappé à quelques naïfs, on sait désormais de quoi il s’agit. Bien évidemment, Marquedi n’est pas du genre à laisser tomber comme ça.
Dans la bande de Marquedi, Michele (Vittorio Gassman) convainc alors Carlo de participer à un casse. Mais, si Carlo manque d’argent, il manque également de chance, parce qu’il ne va pas tarder à se faire épingler. La recherche d’argent devient alors une obsession pour Alda qui décide de participer à un marathon de danse. A la clé, rémunération pour les gagnants et des primes offertes par des spectateurs pour qu’un couple se démène devant eux. Détail non négligeable, Marquedi s’intéresse de près à ce marathon. Il ne se gène pas pour affirmer qu’à ses yeux, seul l’argent compte. Il pense qu’avec quelques sourires, des intérieurs bourgeois et de beaux vêtements, toutes les femmes lui appartiendront.
Le talent de Luigi Comencini apparaît ici comme une évidence, malgré un sujet difficile. La ressortie du film (noir et blanc bien mis en valeur) en copie restaurée permet d’en profiter dans les meilleures conditions. On remarque que le film tient du néoréalisme et du film noir, avec quelques touches d’expressionnisme (notamment quelques gros plans sur des visages, dont celui marqué, de Marc Lawrence). Comencini se joue de ces influences pour se montrer tel qu’il est, inclassable. Qui aurait pu deviner, voyant ce film à sa sortie, que cet ancien critique de cinéma ayant fait des études d’architecture, livrerait plus tard une série de comédies populaires et l’irrésistible mélo qu’est L’incompris ? Ce film, son quatrième, est une pure commande des producteurs Carlo Ponti et Dino De Laurentis. Après le succès de Persane chiuse (Volets clos), ces messieurs voulaient un film sur le même thème, la prostitution.
Un film intéressant que Comencini a affirmé n’avoir finalement jamais vu. Le scénario (auquel pas moins de 5 personnes ont contribué) réserve bien des surprises, dont quelques scènes marquantes : la fuite après le casse (dans la salle où on a assisté à une séance de pelote basque), les dramatiques retrouvailles entre Alda et Carlo ainsi que la grande explication finale. L’inspiration du marathon de danse vient du roman (américain) d’Horace McCoy que Sydney Pollack n’avait pas encore adapté (il fallut attendre 1969). Ce marathon est très à sa place dans un film noir, en illustration de l’absurdité de la condition humaine. On s’agite dans le vain espoir d’un avenir meilleur, alors qu’on a déjà un pied du côté de la déchéance. Bien entendu, ce sont les filles que Marquedi observe alors. Parmi elles, Alda (Eleonora Rossi Drago, Miss Italie 1947), Lucia (Silvana Pampani, Miss Italie 1946) et Elvira (Sophia Loren ici créditée sous le nom de Sofia Lazzaro, première dauphine de Miss Italie 1950).
L’épilogue n’est pas sans rappeler celui très marquant de M. Le maudit de Fritz Lang. Enfin, si Vittorio Gassman a retenu l'attention de Comencini, c'est qu'il est alors un acteur en devenir. On sait la carrière qui l'attend.