Avant toute chose, je précise n'avoir pas lu le livre dont le film est une adaptation. J'arrivais alors sans a priori, ni même véritable idée du scénario. Peut-être que le roman souffre des mêmes maux, tout en est-il que le film passe pour moi à côté de ses chances de développer un propos un tant soit peu intéressant.
En effet, si l'idée de relier les vies de trois femmes pourtant très différentes aurait pu être intéressante, cela nécessitait de thématiser les asymétries et les réelles différences de statut entre celles-ci. Le film nous propose trois parcours de vie censés résonner car étant ceux de femmes devant se battre pour survivre, dans des contextes très différents, mais toujours de manière indépendante et courageuse. Seulement... à l'arrivée, la femme indienne (dont on ne connaîtra jamais le sort final) est celle qui donne gracieusement ses cheveux pour qu'une riche avocate canadienne puisse s'en faire une perruque... Si ce sont bien trois femmes dont il s'agit, l'une est une riche femme du Nord global, une véritable girl boss ; la deuxième est une jeune femme moins fortunée certes, issue d'une région périphérique européenne mais tout de même bénéficiant d'un certain confort et étant à la tête d'une entreprise familiale ; tout se gâte au sujet de la troisième, membre de la caste des intouchables en Inde, sans perspective d'avenir. Le film ne thématise à aucun moment l'asymétrie fondamentale qui permet à l'avocate de se confectionner une perruque sur le don non rémunéré d'une femme du Sud global... La pertinence de relever une condition féminine partagée disparaît sous le coup des relations Nord-Sud...
Pire encore, le film laisse entrevoir un cercle vertueux où tout le monde sortirait gagnante d'une relation idéale entre les trois protagonistes, qui sont les trois étapes de l'économie: production - transformation - consommation... Ici encore, on omet que la femme indienne n'est pas rémunérée, donc que de la valeur est extraite sans lui en reverser le moindre centime, pour aller alimenter une entreprise, certes familiale, qui viendra vendra sa marchandise à une femme de classe supérieure... Génial la morale.
En voulant rapprocher ces trois destins, le film ne fait qu'effacer les inégalités qui configurent les vies de celles-ci : si l'une peut être en haut de la pyramide sociale et agir de la sorte, c'est parce que d'autres soutiennent les fondements de son ascension, en étant sans cesse invisibilisées. Le film aurait pourtant pu thématiser cela, or il passe complètement à côté de son sujet... Dommage...